20.04.21 Ténèbres de l’esclavage, lumières de la révolte : une lettre de Victor Hugo à Exilien Heurtelou (1860)

Hauteville-House, 31 mars 1860.

Vous êtes, monsieur, un noble échantillon de cette humanité noire si longtemps opprimée et méconnue.

D’un bout à l’autre de la terre, la même flamme est dans l’homme ; et les noirs comme vous le prouvent. Y a-t-il eu plusieurs Adam ? Les naturalistes peuvent discuter la question ; mais ce qui est certain, c’est qu’il n’y a qu’un Dieu.

Puisqu’il n’y a qu’un père, nous sommes frères.
C’est pour cette vérité que John Brown est mort ; c’est pour cette vérité que je lutte. Vous m’en remerciez, et je ne saurais vous dire combien vos belles paroles me touchent.

Il n’y a sur la terre ni blancs ni noirs, il y a des esprits ; vous en êtes un. Devant Dieu, toutes les âmes sont blanches.

J’aime votre pays, votre race, votre liberté, votre révolution, votre république. Votre île magnifique et douce plaît à cette heure aux âmes libres ; elle vient de donner un grand exemple ; elle a brisé le despotisme.

Elle nous aidera à briser l’esclavage.

Car la servitude, sous toutes ses formes, disparaîtra. Ce que les États du Sud viennent de tuer, ce n’est pas John Brown, c’est l’esclavage.

Dès aujourd’hui, l’Union américaine peut, quoi qu’en dise le honteux message du président Buchanan, être considérée comme rompue. Je le regrette profondément, mais cela est désormais fatal ; entre le Sud et le Nord, il y a le gibet de Brown. La solidarité n’est pas possible. Un tel crime ne se porte pas à deux.

Ce crime, continuez de le flétrir, et continuez de consolider votre généreuse révolution. Poursuivez votre œuvre, vous et vos dignes concitoyens. Haïti est maintenant une lumière. Il est beau que parmi les flambeaux du progrès, éclairant la route des hommes, on en voie un tenu par la main d’un nègre.

Votre frère,
VICTOR HUGO.


Victor Hugo, Actes et Paroles. Pendant l’exil, 1852-1870, Paris, Michel Lévy Frères, 1875, p. 195-196.
John Brown, estampe de Paul Chenay d’après un dessin de Victor Hugo. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

Portrait d’un abolitionniste

À l’origine de la correspondance entre l’écrivain français Victor Hugo, en exil à Guernesey entre 1855 et 1870, et le journaliste haïtien Exilien Heurtelou, rédacteur en chef du Progrès de Port-au-Prince, il y a un homme, un abolitionniste étatsunien, John Brown. Originaire du Connecticut, Brown est depuis longtemps impliqué dans la lutte contre l’esclavage : il s’est promis de livrer contre l’institution une guerre sans merci. Cet homme d’action, très croyant, père de nombreux enfants qui le soutiennent dans son entreprise, aide des esclaves fugitifs à gagner le Nord du pays. Lorsqu’en 1850 est adoptée une loi visant à faciliter leur capture et leur rapatriement au Sud (Fugitive Slave Act), Brown met sur pied une milice armée composée d’Africains-Américains, chargée d’intimider et d’empêcher les propriétaires d’esclaves qui entendraient recouvrer leur « propriété ». L’usage de la violence est pour Brown un mode de résistance légitime face à l’esclavage et à l’oppression raciale, comme le révèlent ses actions dans le Kansas en 1856 : après que des Sudistes ont mis à sac la petite ville de Lawrence, point de ralliement des militants antiesclavagistes qui cherchent à faire de ce territoire un État libre, il lance avec quatre de ses fils une expédition de représailles ; le groupe se rend à Pottawatomie Creek, où cinq hommes pro-esclavagistes sont tirés de leur cabane en pleine nuit et sommairement exécutés. Dans les années qui suivent, Brown prépare son action la plus spectaculaire, l’attaque contre l’arsenal fédéral de Harpers Ferry, en Virginie. Le coup d’envoi est donné le 16 octobre 1859. Secondé d’une vingtaine d’activistes noirs et blancs, Brown prend le contrôle de l’arsenal, dans l’espoir que les esclaves des alentours se rallieront à lui et qu’une fois armés ils et elles se soulèveront en masse ; mais ceux-ci, peu nombreux, ne savent pas précisément ce qui se joue sur place. Plusieurs notables de la ville sont pris en otage. Brown et ses acolytes ne tardent pas à être encerclés par la milice locale et des marines sous le commandement du futur général confédéré Robert E. Lee. Dix des organisateurs sont tués durant l’attaque, tandis que Brown est arrêté, jugé et condamné à mort.

Histoire d’un crime

L’exécution de John Brown a lieu un 2 décembre, le 2 décembre 1859. Tragique ironie, pour Victor Hugo comme pour tous les défenseurs de la liberté et des principes républicains en France ou en exil, puisque cette date est aussi celle du coup d’État perpétré par Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 : le premier et unique président de l’éphémère Deuxième République s’est fait son fossoyeur ; le 2 décembre 1852, le Second Empire est proclamé, et Bonaparte devient Napoléon III, empereur des Français. D’un 2 décembre l’autre, c’est un même vent de réaction qui souffle des deux côtés de l’Atlantique ; c’est l’« histoire d’un crime » qui se répète. Le mot de « crime » apparaît à deux reprises dans la lettre d’Hugo à Heurtelou, pour qualifier la mise à mort de Brown et plus largement l’esclavage, mais il annonce aussi le titre du livre qu’Hugo publiera en 1877 pour raconter le coup d’État. Le milieu du XIXe siècle est plein de ces résonances entre actualités européenne et étatsunienne. La révolution française de 1848, acte fondateur de la Deuxième République, avait été observée avec attention par le peuple étatsunien, suscitant un enthousiasme particulier chez les abolitionnistes : « Je suis profondément solidaire du vaste mouvement qui a résulté de la proclamation de la République en France », déclarait le militant noir Frederick Douglass en avril 1848, alors que l’esclavage venait d’être aboli dans les colonies françaises. Une décennie plus tard, la France tourne le regard vers les États-Unis, cette « démocratie » où quatre millions de femmes, d’hommes et d’enfants continuent d’être réduits en esclavage, et qui traite en fanatiques et en criminels celles et ceux qui souhaiteraient faire advenir leur émancipation.

 « French Sympathy Meeting », The North Star, 12 mai 1848. Ici et ailleurs, je traduis.

Réclame pour le livre de Victor Hugo, Histoire d’un crime (1877). Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

John Brown vu de France et d’Haïti

De nombreuses personnalités françaises prennent fait et cause pour Brown. Pensant à tort qu’un sursis lui a été accordé, Hugo a adressé le 2 décembre une lettre aux États-Unis d’Amérique, d’abord publiée dans le London News puis largement reprise dans la presse internationale, pour demander la grâce de « ce libérateur, ce combattant du Christ », ce « Spartacus » qui a voulu porter un coup fatal à une institution qui déshonore la République étatsunienne : « quand on se dit que cette nation est une gloire du genre humain, que, comme la France, comme l’Angleterre, comme l’Allemagne, elle est un des organes de la civilisation, que souvent même elle dépasse l’Europe dans de certaines audaces sublimes du progrès, qu’elle est le sommet de tout un monde, qu’elle porte sur son front l’immense lumière libre, on affirme que John Brown ne mourra pas, car on recule épouvanté devant l’idée d’un si grand crime commis par un si grand peuple ! »

Victor Hugo, Actes et Paroles. Pendant l’exil, 1852-1870, op. cit., p. 173-174.

Sous son pseudonyme de Daniel Stern, la romancière et historienne de la révolution de 1848 Marie d’Agoult évoque dans la presse niçoise « l’universelle sympathie qu’inspirent à cette heure le dévouement et le sort tragique de John Brown ». Elle traduit et commente une lettre écrite par Brown depuis sa cellule, alors que celui-ci se sait condamné : « Au lendemain de la défaite, à la veille du supplice, John Brown se montre pénétré d’une inaltérable confiance dans le triomphe prochain et définitif du droit ; il ne doute pas un moment de la cause pour laquelle il offre sa vie avec une joie aussi sincère et aussi calme que sa confiance en un dieu de justice et d’amour est vive et profonde. » Les exilés francophones aux États-Unis se passionnent pour l’événement, à l’image de l’anarchiste Joseph Déjacque à New York, qui publie dans son journal Le Libertaire plusieurs articles sur « l’insurrecteur martyr ».

« Variété », L’Avenir de Nice, 17 décembre 1859. Comme Hugo, Marie d’Agoult ignore que John Brown a bien été exécuté le 2 décembre. Je remercie Charles Dupêchez d’avoir attiré mon attention sur cette lettre.

« Prologue d’une Révolution. Les suppliciés », Le Libertaire, 24 décembre 1859. Sur Déjacque, voir Thomas Bouchet et Patrick Samzun (dir.), Libertaire ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2019.

La lettre à Exilien Heurtelou, rédigée à la fin du mois de mars 1860, témoigne de l’intérêt persistant de Victor Hugo pour la figure de John Brown – auquel il envisagea un temps de consacrer un roman – et de sa compréhension fine de la situation politique étatsunienne. L’écrivain y mentionne le « honteux message » sur l’état de l’Union que le président pro-sudiste James Buchanan a prononcé peu après l’exécution de Brown. Buchanan n’a jamais caché son aversion pour les abolitionnistes, qu’il tient pour responsables de la cristallisation des tensions entre Nord et Sud. Les doctrines qu’ils prônent sont « contraires à la Constitution et à l’Union », affirme Buchanan dans son message, et leur recours à la violence ne peut que mener les États du Sud sur le chemin de la radicalisation. Non content de jeter l’opprobre sur le camp antiesclavagiste, Buchanan vole au secours des propriétaires d’esclaves, reprenant à son compte leur défense mensongère de l’esclavage : « L’esclave est traité avec bienveillance et humanité. Il a suffisamment à manger, il est correctement vêtu et ses maîtres ne le font pas travailler plus que de raison. » De tels propos ne font que rendre plus improbable encore la réconciliation à laquelle en appelle Buchanan. Hugo le voit bien, qui prophétise une guerre civile imminente. Elle éclatera un an plus tard, en avril 1861.

James Buchanan, troisième message sur l’état de l’Union, 19 décembre 1859. Voir https://teachingamericanhistory.org/library/document/state-of-the-union-address-66/.

James Buchanan, quinzième président des États-Unis (1857-1861). Source : National Portrait Gallery, Smithsonian Institution.

Mais c’est tout autant d’Haïti que des États-Unis qu’il est question dans la lettre à Heurtelou. La révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791, à l’origine de l’indépendance d’Haïti en 1804, est une source d’inspiration pour toutes celles et ceux qui luttent pour l’abolition de l’esclavage en Amérique du Nord, en particulier pour les militants africains-américains, mais aussi pour un militant blanc comme John Brown ; inversement, la tentative de Brown d’organiser un vaste soulèvement d’esclaves, le sacrifice qu’il fait de sa vie, suscitent l’admiration et le respect du peuple haïtien. De Cap-Haïtien aux Cayes en passant par Port-au-Prince, on honore la mémoire du « MARTYR DE LA CAUSE DES NOIRS ». Une levée de fonds est organisée pour venir en aide à la veuve de John Brown et aux familles des activistes qui ont péri dans l’insurrection de Harpers Ferry. À Paris, trois membres de la communauté haïtienne font imprimer la lettre de Victor Hugo datée du 2 décembre sous forme d’une courte brochure, dont ils envoient des exemplaires en Haïti. La lettre est reproduite dans le journal nouvellement créé par Exilien Heurtelou à Port-au-Prince, et ce dernier ne tarde pas à écrire à Hugo pour le remercier d’avoir pris publiquement la défense de Brown. Tout en rendant hommage au verbe puissant du « plus grand génie du dix-neuvième siècle », Heurtelou donne à entendre la force de son propre verbe, dans un texte qui s’apparente à un plaidoyer antiesclavagiste et antiraciste : « Ce que vous avez dit contre l’esclavage a remué l’Amérique entière ; le vieil édifice colonial craque partout en ce moment. Il nous semble déjà entendre le bruit des chaînes qui se brisent avec fracas. Malheureux colons ! si vous ne vous hâtez pas de rendre la Liberté aux fils de l’Afrique, par quelles terribles catastrophes vous allez passer, vous, vos femmes, vos enfants ! »

Cité par Leon D. Pamphile, « The Haitian Response to the John Brown Tragedy », Journal of Haitian Studies, vol. 12, n° 2, 2006, p. 138.

Cité par Léon-François Hoffmann, « Victor Hugo, John Brown et les Haïtiens », Nineteenth-Century French Studies, vol. 16, n° 1/2, 1987/1988, p. 50-51.

Race et révolution

C’est la réponse de Victor Hugo à la lettre d’Exilien Heurtelou qui est ici présentée. « J’aime votre pays, votre race, votre liberté, votre révolution, votre république » : comme il avait rappelé son amour de la « patrie de Washington » dans la lettre au London News, Hugo fait part, en des mots simples, de son amour pour Haïti, son peuple et son histoire révolutionnaire. Ce n’est pas la première fois que l’auteur écrit sur cette nation fondée dans la résistance au joug colonial et à l’esclavage. En 1818, le jeune Hugo avait mis en scène la Révolution haïtienne dans une nouvelle plus tard devenue roman, Bug-Jargal, dont la critique a toutefois souligné le discours ambigu ; un autre écrivain et homme politique, Alphonse de Lamartine, a consacré en 1850 un poème dramatique en cinq actes à Toussaint Louverture, figure emblématique de la révolution dont le dramaturge fait un héros romantique. Lorsqu’Hugo répond à Heurtelou, un mouvement insurrectionnel vient d’avoir lieu à Haïti qui a conduit à la chute du Second Empire haïtien et à la proclamation d’une nouvelle république, présidée par Fabre Geffrard. En brisant le despotisme, écrit Hugo, Haïti « vient de donner un grand exemple », à la France notamment, où s’enracine un régime impérial autoritaire, qui tiendra encore dix ans.

Victor Hugo, Actes et Paroles. Pendant l’exil, 1852-1870, op. cit., p. 170.

Nombreux sont les commentateurs à avoir attiré l’attention sur la dimension réactionnaire, voire raciste, du roman de Hugo. Pour un aperçu des regards divergents portés sur Bug-Jargal, voir l’introduction de Chris Bongie à sa traduction de Victor Hugo, Bug-Jargal, Peterborough (Ont.), Broadview Press, 2004, p. 33-34.

Toussaint Louverture, chef des Noirs insurgés de Saint-Domingue. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

La lettre d’Hugo à Heurtelou est surtout l’occasion de réaffirmer le grand principe de l’unité du genre humain – « Il n’y a sur la terre ni blancs ni noirs, il y a des esprits » – au moment où prolifèrent les théories racistes à prétention scientifique. Les « naturalistes » français, comme les appelle Hugo, jouent un rôle actif dans la promotion du polygénisme, soit l’idée qu’il existerait des races issues d’origines distinctes, avec d’importantes différences biologiques entre elles, et qu’il serait possible de les ordonner en une hiérarchie… au bas de laquelle on trouverait les Noirs, tantôt animalisés, tantôt infantilisés. L’Essai sur l’inégalité des races humaines d’Arthur de Gobineau a paru entre 1853 et 1855, et en 1859 vient de se créer la Société d’anthropologie de Paris, au sein de laquelle se formalisent les théories raciales inégalitaires ; celles-ci apparaissent également sous la plume de scientifiques étatsuniens tels que Josiah Nott et George Gliddon, représentants de l’« école américaine d’ethnologie » (American School of Ethnology) et auteurs en 1854 de Types of Mankind, bréviaire polygéniste et pro-esclavagiste.

Au discours pseudoscientifique, Hugo substitue le discours religieux : il n’y a qu’un Dieu, écrit-il, qu’un père, et tous les hommes sont frères. C’est aussi ce que rappellent les abolitionnistes étasuniens dans leurs écrits, qui citent fréquemment un même verset des Actes : Dieu « a fait d’un seul sang tout le genre humain, pour habiter sur toute l’étendue de la terre » (17, 26). Sous la plume d’Hugo, le mot de « race » (au singulier) n’est d’ailleurs pas utilisé dans son acception biologique, mais plutôt au sens de « peuple » – un peuple constitué par une double expérience collective, celle de l’esclavage et de la révolution. Les prises de position de Hugo sur John Brown, Haïti et la question raciale au début des années 1860 n’empêcheront pas l’écrivain d’exalter vingt ans plus tard la colonisation de l’Afrique par les puissances européennes – et de recycler certains poncifs racistes – lors d’un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage.

Sur « l’inconséquence » de Victor Hugo en matière coloniale, voir Gilles Manceron, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Paris, La Découverte, 2003, p. 178-184.

Un Atlantique antiesclavagiste

Pour l’heure, Harpers Ferry, Guernesey et Haïti constituent trois pôles d’un Atlantique antiesclavagiste en blanc et noir cimenté par la circulation de lettres, d’idées, d’individus. C’est peut-être la trajectoire et la pensée du journaliste et homme politique haïtien Démesvar Delorme qui permet le mieux de se figurer cette communauté transnationale d’intellectuels et d’activistes mobilisés contre l’esclavage et ce qu’on appelle alors le préjugé de couleur. Originaire du Cap-Haïtien, Delorme est reçu par Hugo à Hauteville House en septembre 1861, lequel écrit à son propos : « Vous êtes comme votre éloquent compatriote, M. Heurtelou, de ces hommes qui honorent leur race, vous prouvez que sous la peau du Noir, l’âme peut être lumineuse ; la clarté est en vous. » La bibliothèque de Hugo conserve l’un des ouvrages de Delorme. Intitulé La Démocratie et le préjugé de couleur aux États-Unis d’Amérique (1866), l’essai révèle un observateur avisé des réalités raciales étatsuniennes (Delorme a voyagé en Amérique du Nord) et de leur généalogie. Les Africains-Américains forment « une race à part et inférieure », écrit Delorme. « Des motifs d’intérêt les avaient d’abord fait décréter d’infériorité. Et cette fiction intéressée a perpétué le préjugé en vertu duquel l’homme noir, même libéré de l’esclavage, vit sans droit de citoyen dans la démocratie américaine. » L’acte héroïque de John Brown est salué. Mais comme Victor Hugo, comme Frederick Douglass plus tard, qui comparera Haïti à une étoile « au firmament des nations », Démesvar Delorme place ses espoirs du côté de son pays et de son peuple, « qui porte religieusement au fond du cœur le sentiment d’une mission providentielle ». À la fois guide et modèle, Haïti est, pour les opprimés et leurs alliés, le porte-flambeau des luttes pour la liberté et l’égalité au XIXe siècle.

Trois pôles parmi d’autres, ailleurs dans les Caraïbes et en Amérique du Sud notamment. Sur ces espaces, voir par exemple Lloyd Belton, « “A deep interest in your cause”: The Inter-American Sphere of Black Abolitionism and Civil Rights », Slavery & Abolition, prépublication disponible sur le site de la revue.

Voir http://ile-en-ile.org/delorme/ et https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/fr/demesvar-delorme.

Démesvar Delorme, La Démocratie et le préjugé de couleur aux États-Unis d’Amérique, Bruxelles, H. Thiry-Van Buggenhoudt, 1866, p. 19-20.

Cité par Claire Bourhis-Mariotti, L’union fait la force. Les Noirs américains et Haïti, 1804-1893, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 211. Sur Douglass et Haïti, voir Brandon R. Byrd, « Haiti », in Michaël Roy (dir.), Frederick Douglass in Context, Cambridge, Cambridge University Press, 2021, p. 68-80.

Démesvar Delorme, La Démocratie et le préjugé de couleur aux États-Unis d’Amérique, op. cit., p. 20.

Bibliographie

  • ALIMI-LEVY Yohanna, La Démocratie américaine et les révolutions françaises de 1830 et 1848, Paris, Sorbonne Université Presses, 2021.
  • BOURHIS-MARIOTTI Claire, L’Union fait la force. Les Noirs américains et Haïti, 1804-1893, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.
  • DAUT Marlene L., « Caribbean “Race Men”: Louis Joseph Janvier, Demesvar Delorme, and the Haitian Atlantic », L’Esprit créateur, vol. 56, n° 1, 2016, p. 9-23.
  • FREDRICKSON George M., Racism: A Short History, Princeton (N. J.), Princeton University Press, 2002.
  • HOFFMANN Léon-François, « Victor Hugo, John Brown et les Haïtiens », Nineteenth-Century French Studies, vol. 16, n° 1/2, 1987/1988, p. 47-58.
  • HOFFMANN Léon-François, « Victor Hugo, les Noirs et l’esclavage », Francofonia, n° 31, 1996, p. 47-90.
  • PAMPHILE Leon D., « The Haitian Response to the John Brown Tragedy », Journal of Haitian Studies, vol. 12, n° 2, 2006, p. 135-142.
  • REYNOLDS David S., John Brown, Abolitionist: The Man Who Killed Slavery, Sparked the Civil War, and Seeded Civil Rights, New York, Alfred A. Knopf, 2005.
  • ROY Michaël, De l’antiesclavagisme à l’abolition de l’esclavage. États-Unis, 1776-1865, Neuilly-sur-Seine, Atlande, 2018.
  • SINHA Manisha, The Slave’s Cause: A History of Abolition, New Haven (Conn.), Yale University Press, 2016.

Pour citer cet article

Michaël Roy, « Ténèbres de l’esclavage, lumières de la révolte : une lettre de Victor Hugo à Exilien Heurtelou (1860) », RevueAlarmer, mis en ligne le 20 avril 2021, https://revue.alarmer.org/tenebres-de-lesclavage-lumieres-de-la-revolte-une-lettre-de-victor-hugo-a-exilien-heurtelou-1860/

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