08.02.21 Lettre d’information de février 2021

En ce début d’année, une très riche édition de RevueAlarmer.

D’abord, plusieurs textes sur l’antisémitisme et des moyens pour le combattre

Le rire et la caricature fut l’arme  choisie par Wolinski en 1978 avec la « Une » de Charlie Hebdo aussi percutante que célèbre. L’historien Adrien Minard, nous rappelle que ce dessin, trop souvent instrumentalisé et détourné, était une charge sans concession contre le négationnisme décomplexé, alors en plein essor. Il pose la question des usages et mésusages d’un document isolé de son contexte.

Un siècle plus tôt, dans un contexte où, en pleine Affaire Dreyfus, l’antisémitisme se déchaînait, Bernard Lazare, infatigable défenseur du capitaine, développa une pensée originale sur l’antisémitisme. Dans « Bernard Lazare, critique de la servitude volontaire », l’historienne Claudia Moatti en restitue les étapes : déplorant les impasses de l’émancipation individuelle, l’intellectuel invitait les juifs à se libérer collectivement en refusant les voies du repli nationaliste, du sionisme et du pouvoir rabbinique, pour préférer celles de l’engagement politique au nom de l’universalité des droits.

Retour aux sources

Poursuivant la ligne éditoriale consistant à déconstruire les racismes et l’antisémitisme par l’analyse des documents, trois situations historiques de stigmatisation et de persécution sont ici mises en lumière à partir de documents d’archives.

L’historien moderniste Benjamin Landais étudie « une demande d’expulsion de la communauté juive de Timişoara » de janvier 1768 adressée par des notables de la municipalité catholique aux représentants de la monarchie autrichienne des Habsbourg. L’analyse met à jour une forte tension entre un puissant antijudaïsme aux ressorts religieux profondément enraciné ,qu’incarnent la souveraine Marie-Thérèse (1740-1780) et les notables catholiques, et une relative tolérance que justifient les nécessités économiques et politiques du temps autant que la progression des idées des Lumières.


C’est aussi d’une expulsion de juifs dont il est question dans l’ensemble documentaire analysé par l’historien Martino Oppizzi sous le titre « Exporter le racisme fasciste à l’étranger : l’exemple de l’expulsion des médecins scolaires juifs de Tunis (1938-1939) ». Cette étude contribue à invalider la thèse d’un fascisme bienveillant à l’égard des juifs vivant à l’extérieur de la péninsule. Le tournant raciste du régime de 1938 n’épargna ni les juifs des territoires occupés par l’Italie, ni même ceux qui vivaient dans des territoires sous souveraineté étrangère, en l’espèce les médecins juifs des écoles italiennes de Tunisie, alors colonie française.


Dans « Traitements discriminatoires en Gold Coast : une lettre en soutien à un médecin métisse (1934) », l’historienne de l’Afrique Anne Hugon montre « la complexité du racisme » dans cette colonie britannique d’Afrique de l’Ouest. Bien qu’officiellement combattu, le racisme « est patent dans le traitement discriminatoire réservé à [la doctoresse] Agnes Savage », métisse née et élevée en Grande-Bretagne, mais versée au corps du « personnel africain » en raison de sa seule couleur de peau. Le document révèle aussi l’indignation que ces traitements racistes soulevaient chez certains administrateurs coloniaux.

Pour la jeunesse

Par ailleurs désireuse de promouvoir la littérature jeunesse, RevueAlarmer a demandé à Sylvie Lalagüe-Dulac, spécialiste de la didactique de l’histoire, de lire Libertalia de Jean-Luc Marcastel. Roman dont l’aventure se déroule à Nantes à l’époque de la traite négrière, il nourrit l’ambition d’éveiller les jeunes lecteurs aux conditionnements sémantiques (usage du mot « nègre » par exemple) qui pérennisent les préjugés et le racisme.



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