08.06.20 Allemagne : fin du consensus sur la mémoire de la Shoah? Réflexions sur la prévention de l’antisémitisme

Introduction, par Memphis Krickeberg

La montée en puissance électorale mais aussi idéologique et culturelle du parti de droite populiste Alternative Für Deutschland (AFD) et des thématiques qu’il charrie a ouvert d’importantes brèches dans le consensus en Allemagne depuis la fin des années 1990, autour de l’importance accordée à la mémoire de la Shoah par l’État et la société civile.

Ce consensus était lui-même le fruit d’âpres débats qui se déroulèrent dans les années 1980 et 1990 et qui menèrent finalement à une évolution discursive de la culture mémorielle allemande. La controverse de Bittburg en 1985, suite à la visite du président Reagan dans un cimetière militaire allemand où étaient inhumés 49 membres des Waffen-SS, ou encore les discussions autour des expositions sur la Wehrmacht à Hambourg dans les années 1990 ont montré qu’il existait une scission en deux camps du champ social, culturel et politique dans la confrontation avec le passé nazi. D’un côté, se faisait jour une volonté de cultiver la mémoire de la période nationale-socialiste et de la Shoah, ce travail mémoriel devant constituer l’un des fondements de l’État allemand post-nazi et de la vie démocratique allemande. De l’autre, l’opinion d’extrême-droite et conservatrice, mais aussi certaines voix sociales-démocrates et de gauche, insistaient sur la nécessité de « tourner la page » et dénonçaient une supposée « culture de la honte » qui empêcherait toute identification positive avec la nation allemande et son histoire.

Détail du dos d’un manifestant lors de la visite de Ronald Reagan au cimetière de Kolmeshöhe près de Bittburg le 5 mai 1985, Elke Wtzig.

Au tournant du millénaire, avec la coalition de centre-gauche du SPD et des verts, le premier camp devint hégémonique. Suite à l’incendie d’une synagogue de Düsseldorf par des militants d’extrême-droite le 2 octobre 2000, le chancelier Gerhard Schröder appela au « soulèvement de la décence » (« Aufstand der Anständigen »). Depuis, il existe un consensus non partisan au niveau des institutions et de la société civile sur la reconnaissance de l’importance de la commémoration de la Shoah. C’est ce qu’illustre la création, en 2000, de la fondation Erinnerung (« Souvenir ») soutenue par l’État Fédéral ou encore, finalement, l’inauguration du Mémorial de l’Holocauste à Berlin en 2005. Aucun État ne s’est confronté à un tel degré avec ses crimes passés que l’Allemagne.

Mémorial de l’Holocauste au cœur de Berlin, 2018 (par Lisa Vapné)

C’est précisément ce consensus que l’AFD vient rompre en laissant libre cours à un antisémitisme post-Shoah . Il s’exprime à travers la dénonciation de la culture du souvenir comme source d’affaiblissement de la nation et du peuple allemand. Cet antisémitisme mémoriel s’articule à des formes de pensée antisémites ou proches de l’antisémitisme que l’on retrouve dans d’autres partis populistes comme les théories du complot ou la dénonciation des élites cosmopolites en opposition aux peuples enracinés. La référence aux « élites mondialistes » occupe ainsi la même fonction que la référence aux Juifs et Juives dans l’antisémitisme d’extrême-droite traditionnelle et permet de les évoquer sans avoir à les nommer explicitement auprès des adhérents et sympathisants.

Pour la première fois depuis 1945, il existe ainsi en Allemagne un parti de masse dans lequel l’antisémitisme, sous des formes diluées ou codées, joue un rôle central. L’AFD est particulièrement forte dans les Länder à l’Est de l’Allemagne (27,5% des voix en Saxe et 22,5% en Brandebourg aux élections régionales de septembre 2019) où le parti est dominé par son aile « sociale-patriote » à tendance völkisch, portée par le mouvement Der Flügel (« l’Aile »). L’adjectif « völkisch » renvoie ici à une conception de la nation comme entité raciale et/ou ethno-culturelle homogène qu’il s’agit de défendre contre différentes forces dissolvantes, derrière lesquelles se cachent en dernière instance très souvent les Juifs.

L’AFD est cependant loin de monopoliser l’expression antisémite en Allemagne, elle se contente de l’articuler dans un langage audible au niveau de la politique institutionnelle. L’antisémitisme s’exprime sous diverses formes et avec des degrés d’intensité variés dans différents milieux, arènes sociales (culture, militantisme, école …), médias (Facebook, blogs, Twitter, You Tube …) et champs politiques (du néo-nazisme à la gauche anti-impérialiste et antiraciste). Pourtant, la société civile allemande se caractérise globalement par un rejet de l’antisémitisme et s’accorde sur l’importance du travail mémoriel sur la Shoah. L’attachement au droit à l’existence de l’État d’Israël y est plus important que dans d’autres pays occidentaux.

Capture d’écran de la version en ligne du journal Tag 24 évoquant les déclarations de Stefan Räpple (AFD) le 28 janvier 2020 appelant de ses vœux la fin « du culte de la culpabilité ».

Pour lutter contre l’antisémitisme, de nombreux programmes d’ « éducation politique » ( « politische Bildung ») visant à éclairer la population sur l’histoire de la Shoah et à déconstruire les tropes antisémites se sont développés dans les vingt dernières années. Ils impliquent une coopération à de multiples échelles, entre institutions fédérales, Länder et acteurs de la société civile visant à développer les capacités de réflexion autonome des citoyens, à lutter contre l’ « extrémisme » et à promouvoir l’adhésion aux valeurs démocratiques. Le travail de prévention de l’extrémisme de droite à différents niveaux (école, lieu de travail, centre de jeunesse, réseaux sociaux …) est par exemple beaucoup plus développé qu’en France.

L’article qui suit, rédigé par Tina Sanders et Jerôme Buske, présente une vue d’ensemble de la diffusion de l’antisémitisme en Allemagne en 2020 et revient sur les tâches et les limites du travail d’éducation politique en matière de lutte contre l’antisémitisme. Pour les auteurs, qui s’inspirent des travaux d’Adorno sur la question, l’antisémitisme ne peut être réduit à un simple préjugé mais constitue une forme d’idéologie et de ressentiment spécifique qui doit être distinguée du racisme et implique donc un travail d’éducation particulier. Le concept de ressentiment diffère de celui de préjugé dans la mesure où le ressentiment n’est pas un (mauvais) jugement singulier, mais se fonde sur une vision du monde fermée, c’est-à-dire sur toute une série de positions morales et idéologiques liées entre elles. Dans le ressentiment, l’individu projette la frustration générée par différents facteurs sociaux, contre un tiers conçu comme l’origine de sa peine plutôt que de s’attaquer à ses racines effectives.

Le travail d’éducation politique, au sens évoqué précédemment, ne doit pas se réduire à cultiver la mémoire de la Shoah, mais doit aussi œuvrer à la compréhension de l’antisémitisme en général et de ses manifestations contemporaines. Par ailleurs, le travail de mémoire ne vise pas seulement une meilleure connaissance du passé mais constitue une tâche éminemment politique. Une « culture du souvenir critique et réfléchie » doit ainsi s’opposer aux tentatives réactionnaires de présenter la population allemande comme une « victime » de la Seconde Guerre mondiale et des bombardements alliés : comme par exemple, l’instrumentalisation des bombardements de Dresde par l’extrême-droite mais aussi certains secteurs de la gauche, lequel vise à dédouaner la population allemande de sa responsabilité dans la Shoah. Elle doit aussi prévenir la tendance de l’État allemand à instrumentaliser la culture du souvenir pour se légitimer sur le plan de la politique intérieure et extérieure en se présentant comme un État vertueux « ayant appris du passé ».

Je fais ici référence à l’instrumentalisation par les nationalistes allemands de tous bords du bombardement de la ville de Dresdepour le régime théocratique iranien du 13 au 15 février 1945 qui fit environ 35 000 morts afin d’établir une fausse équivalence entre les opérations militaires alliées et les crimes contre l’humanité commis par l’Allemagne nazie et ainsi relativiser et diluer la responsabilité allemande.

Sur les possibilités et les limites d’un travail éducatif critique en matière d’antisémitisme, par Tina Sanders et Jerôme Buske

1. L’état actuel du ressentiment antisémite en Allemagne

Après l’attentat terroriste antisémite perpétré par un assaillant se revendiquant de la droite radicale à l’occasion d’une des plus grandes fêtes juives, Yom Kippour, à Halle, le thème de l’antisémitisme fait à nouveau l’objet d’un débat controversé en République fédérale d’Allemagne. L’attaque a montré clairement que le ressentiment antisémite constitue un problème social majeur et que les institutions en charge de la sécurité ne sont pas en mesure de protéger la vie des personnes juives en Allemagne. Au même moment, le programme fédéral « Vivre la démocratie » du ministère fédéral des Affaires familiales a fait l’objet d’une restructuration massive. Ainsi, plus d’une centaine de projets ne seront plus soutenus au cours de la prochaine période de financement, y compris divers projets de prévention de l’antisémitisme.

Note du traducteur :
Il est fait ici référence à l’attentat qui s’est produit le 9 octobre 2019 à Halle en Saxe-Anhalt aux alentours de la synagogue.

Note du traducteur :
Le programme fédéral « Vivre la démocratie » du ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse soutient l’engagement de la société civile en faveur de la démocratie et contre toutes les formes d’extrémisme. À cette fin, il soutient dans toute l’Allemagne des projets qui œuvrent pour une coexistence diversifiée, respectueuse et non violente.

Dans le contexte d’une intensification quantitative et d’une diversification qualitative des formes d’antisémitisme au sein du radicalisme de gauche et de droite, de l’islamisme et des opinions modérées de la majorité, des demandes pour un travail d’éducation politique plus important se font maintenant entendre. Ainsi, les Länder veulent prendre des mesures plus énergiques contre l’antisémitisme dans les écoles et les ministres de l’Education et des Affaires culturelles ont créé un groupe de travail en collaboration avec la Commission des commissaires à l’antisémitisme et le Conseil central des Juifs d’Allemagne . Dans le cadre de cette coopération, des normes de qualité et des recommandations d’action communes doivent être élaborées afin de fournir aux enseignant-es des orientations en matière d’action pédagogique face aux différentes manifestations de l’antisémitisme.

NDT : Par une résolution du Bundestag du 18 janvier 2018, le bureau du commissaire du gouvernement fédéral pour l’antisémitisme a été créé. La tâche du commissaire est de coordonner les mesures du gouvernement fédéral pour lutter contre l’antisémitisme. Il est également chargé de coordonner une commission permanente de la Fédération et des Länder avec les représentants des autorités compétentes et de contribuer à la sensibilisation de la société aux formes actuelles et historiques de l’antisémitisme par un travail de relations publiques et d’éducation politique et culturelle.

NDT : Le Conseil central des Juifs d’Allemagne réunit sous son toit 23 associations régionales et 105 Communautés juives avec environ 97 791 membres et représente leurs intérêts politiques et sociaux. Il est le point de contact politique au niveau fédéral et au niveau des Länder pour toutes les questions concernant la Communauté juive.

« Neue Arbeitsgruppe für Kampf gegen Antisemitismus an Schulen », Berlin.de, https://www.berlin.de/aktuelles/berlin/5996017-958092-neue-arbeitsgruppe-fuer-kampf-gegen-anti.html

Josef Schuster, président du Conseil central des Juifs d’Allemagne, a expliqué à ce sujet :

Nous soulignons depuis des années que l’éducation est une clé pour lutter contre l’antisémitisme. Aucun enfant ne naît antisémite (…) Tous les efforts doivent être faits pour aider les enseignants à identifier et à combattre le ressentiment antisémite dans les écoles »

« Neue Arbeitsgruppe für Kampf gegen Antisemitismus an Schulen », Berlin.de, https://www.berlin.de/aktuelles/berlin/5996017-958092-neue-arbeitsgruppe-fuer-kampf-gegen-anti.html

Si l’on prend au sérieux les résultats empiriques des recherches sur l’antisémitisme , les exigences de Schuster paraissent logiques. L’antisémitisme s’inscrit dans une histoire longue et mouvementée, il a connu des transformations, notamment discursives et constitue l’un des plus grands défis de société pour l’année 2020. En 2018, le nombre de délits antisémites a augmenté de 20% pour atteindre environ 1800 .
Bien que, contrairement au XIXème et à la première moitié du XXème siècle, il n’y ait pas de partis explicitement antisémites au Bundestag, la montée de l’Alternative Für Deutschland (AfD)a entraîné une plus grande permissivité dans l’expression orale de l’antisémitisme. Celui-ci s’exprime dans les médias publics et les réseaux sociaux de manière indirecte, par codes ou sous-entendus, et s’avère donc difficile à reconnaître . Avec l’établissement de l’AfD dans le système des partis allemand, il existe désormais une force politique qui, dans le cadre d’un antisémitisme de rejet de la culpabilité allemande, exige de « tirer un trait » sur la politique mémorielle de l’Allemagne, met en cause le débat social et politique autour de la Shoah et qualifie le national-socialisme de « crotte de mouche » de l’histoire allemande .

Voir par exemple : Ministère fédéral de l’Intérieur, de la Construction et du Territoire, « Fallzahlen Politisch Motivierte Kriminalität 2018 vorgestellt », bmi.bund.de, 14/05/2019

Ministère fédéral de l’Intérieur, de la Construction et du Territoire, « Fallzahlen Politisch Motivierte Kriminalität 2018 vorgestellt », bmi.bund.de, 14/05/2019, https://www.bmi.bund.de/SharedDocs/pressemitteilungen/DE/2019/05/pmk-2018.html

Deutscher Bundestag, Bericht des Unabhängigen Expertenkreises Antisemitismus, 2017, p. 28.

NDT : Au cours du congrès de l’organisation de jeunesse de l’AfD le 2 juin 2018, Alexander Gauland, dirigeant du parti, a qualifié la période du national-socialisme de « crotte de mouche » de l’histoire allemande. Pour lui, cette période était certes regrettable et honteuse, mais insignifiante in fine au regard de la grandeur de l’histoire allemande prise sur le long terme.

L’augmentation significative de l’antisémitisme post-Shoah, d’une part, et de l’antisémitisme lié à Israël, d’autre part, peut être démontrée en comparant plusieurs études empiriques sur ce sujet . Ainsi, parmi les personnes interrogées, 6,8 % sont d’accord avec la déclaration : « compte tenu de la politique menée par Israël, je peux bien comprendre qu’on ait quelque chose contre les Juifs » et 9,5 % sont partiellement d’accord . Une étude de la Fondation Körber de 2017 montre, par ailleurs, que seule la moitié environ des élèves allemands savent qu’Auschwitz-Birkenau était un camp d’extermination. Elle constate aussi « de sérieuses lacunes dans l’enseignement de la Shoah » dans les universités allemandes.

Verein für Demokratische Kultur in Berlin/Recherche- und Informationsstelle Antisemitismus Berlin, Antisemitische Vorfälle 2018, 2019.

Zick Andreas, Küpper Beate & Berghan Wilhelm, Verlorene Mitte. Feindselige Zustände. Rechtsextreme Einstellungen in Deutschland 2018/2019, Dietz Verlag, 2019, p. 71

NDT : Le Centre de recherche et d’information sur l’antisémitisme de Berlin est une institution de la société civile dédiée à la surveillance des actes antisémites à Berlin. Il est considéré comme le premier projet de ce type en Allemagne et comme un modèle pour des projets similaires. À l’instar du RIAS Berlin, créée en janvier 2015, une association a été fondée en octobre 2018 dans le but d’enregistrer les incidents antisémites à l’échelle nationale : le Bundesverband der Recherche- und Informationsstellen Antisemitismus e. V. (Association fédérale RIAS) dont le siège est à Berlin.

Néanmoins, des évolutions positives ont également eu lieu au cours des deux dernières années. Le gouvernement fédéral et les ministères de l’Intérieur ont nommé des commissaires à l’antisémitisme, créé des services facilement accessibles tels que le Centre de recherche et d’information sur l’antisémitisme (RIAS) , sensibilisé les forces de l’ordre et la définition officielle de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (HRIA) a été adoptée par le gouvernement fédéral et la Conférence des recteurs allemands .

NDT : L’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) rassemble des gouvernements et des experts dans le but de renforcer et de promouvoir l’éducation, le travail de mémoire et la recherche sur l’Holocauste.

HRK, « An deutschen Hochschulen ist kein Platz für Antisemitismus », hrk.de, 20/11/2019, https://www.hrk.de/presse/pressemitteilungen/pressemitteilung/meldung/hrk-an-deutschen-hochschulen-ist-kein-platz-fuer-antisemitismus-4664/

L’objectif de l’enseignement scolaire est de permettre aux jeunes de participer à la société et aux institutions démocratiques de manière autonome . L’antisémitisme représente un modèle alternatif d’explication du monde constitué de ressentiments anti-modernes et anti-occidentaux. C’est pourquoi il offre aux jeunes en phase de socialisation une solution simpliste aux problèmes complexes de la politique et de la société. Le travail d’éducation politique se voit également confronté aux défis des nouveaux médias sociaux tels que Instagram ou Facebook, car les antisémites « professionnels » – qu’ils soient de gauche, de droite ou islamistes – produisent des offres expressément adaptées aux cultures des jeunes. En outre, les débats publics sur les idées conspirationnistes antisémites dans le rap allemand, les concerts de rock d’extrême-droite comme à Themar en Thuringe et les vidéos de recrutement de groupes djihadistes ont montré clairement que les problèmes se retrouvent également dans le domaine culturel . Face à pareils défis, les éducateurs qui travaillent le plus souvent dans des conditions précaires ne peuvent agir de manière durable et préventive. Ils ne reçoivent des moyens financiers que pour intervenir à la manière de « pompiers » face à des élèves aux convictions antisémites déjà enracinées .

Jungkamp Burkhard & John-Ohnesorg Marei, Politische Bildung in der Schule. Zeitgemäße Ansätze in Zeiten des Populismus. Friedrich-Ebert-Stiftung, 2017, p. 35.

NDT : On peut citer par exemple l’association des Juifs aux banquiers dans les premiers texte du rappeur à succès Haftbefehl ou le conspirationnisme voire l’antisémitisme à peine voilé présent dans les textes et clips de Kollegah, autre star du rap. Par exemple, dans les paroles de sa chanson « Apocalypse », les Illuminati « contrôlent la politique et les présidents des États-Unis » par la magie noire et dirigent les « destins du monde comme un entrepreneur ». Dans le clip du morceau, depuis supprimé d’Internet, l’histoire de l’humanité est présentée comme une bataille du « bien » contre le « mal ». Le mal sous les traits du diable porte un anneau avec l’étoile de David ; c’est le seul symbole qui l’identifie. Kollegah, représentant du bien, mène la bataille finale à Jérusalem-Est sur le Mont du Temple contre une entité maléfique dirigée par un banquier depuis le centre financier de Londres. Après l’élimination des forces du mal, toutes les grandes religions du monde, « les bouddhistes, les musulmans et les chrétiens », sauf les juifs, reconstruisent le monde détruit et la paix règne.

Jungkamp Burkhard & John-Ohnesorg Marei, Politische Bildung in der Schule. Zeitgemäße Ansätze in Zeiten des Populismus. Friedrich-Ebert-Stiftung, 2017, p. 35-36.

Salzborn Samuel & Kuhrt Alexandra, Antisemitismus in der Schule. Erkenntnisstand und Handlungsperspektiven. Wissenschaftliches Gutachten, TU Berlin, 2019, p.3.

2. La recherche sur l’antisémitisme dans la perspective du travail d’éducation politique

« L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations discursives et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. (…) L’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive » .


« La définition opérationnelle de l’antisémitisme utilisée par l’IHRA », holocaustremembrance.com, https://www.holocaustremembrance.com/fr/resources/working-definitions-charters/la-definition-operationnelle-de-lantisemitisme-utilisee-par

L’inclusion de l’État d’Israël dans la définition de l’antisémitisme de la République fédérale en 2017 est l’œuvre du groupe d’experts indépendants sur l’antisémitisme qui a élargi la définition de l’IHRA. C’est cependant le même gouvernement fédéral qui refuse aujourd’hui, dans le cadre des institutions éducatives, policières et judiciaires, de faire comprendre que l’antisémitisme n’est pas une forme de discrimination comme les autres, mais une vision du monde défendue avec passion .

Salzborn Samuel & Kuhrt Alexandra, Antisemitismus in der Schule. Erkenntnisstand und Handlungsperspektiven. Wissenschaftliches Gutachten, TU Berlin, 2019, p. 5.

« La vision du monde antisémite est structurée par trois principes fondamentaux (…) : la personnification des processus sociaux et la théorie du complot qui en découle ; la construction de collectifs identitaires ; un manichéisme qui divise strictement le monde en bien et en mal (…) » .

Haury Thomas, Antisemitismus von links. Kommunistische Ideologie, Nationalismus und Antizionismus in der frühen DDR, Hamburger Edition. 2002, p. 158. 

La recherche sur l’antisémitisme distingue l’antisémitisme classique de l’antisémitisme moderne, qui est toujours présent aujourd’hui. Le sociologue Armin Pfahl-Traughber opère la distinction entre les formes suivantes d’d’antisémitisme :

Deutscher Bundestag, Bericht des Unabhängigen Expertenkreises Antisemitismus, 2017, p. 23-29. 

  • Dans l’antisémitisme religieux, la religion juive, ses contenus et rituels, forment le point de référence. Les Juifs et Juives sont souvent qualifiés de « déicides » ou encore victimes d’accusations telles qu’empoisonner les puits ou de meurtres rituels d’enfants.
  • Selon le Groupe d’experts, l’antisémitisme social se réfère au statut imaginaire ou réel des personnes juives dans la société. Cette forme d’expression s’accompagne d’un ressentiment anti-moderne et anti-occidental : Juifs et Juives sont associés à un capital « sans racines », « destructeur » et « circulant ».
  • Selon Pfahl-Traughber, dans l’antisémitisme politique, Juifs et Juives sont considérés comme un groupe homogène qui tirerait les « ficelles » en arrière-plan en tant que collectif « secret ». Cette variante est souvent associée aux théories conspirationnistes. Dans l’antisémitisme nationaliste, on les considère comme un principe opposé à celui de nation et on les soupçonne de vouloir désintégrer les États-nations.
  • L’antisémitisme raciste procède par la naturalisation des personnes juives considérées alors comme « malveillantes » et « inférieures »
  • L’antisémitisme islamique repose sur un ressentiment anti-occidental et anti-américain. Présent au sein d’une frange des communautés musulmanes, il peut prendre la forme d’idéologie d’État, comme par exemple pour le régime théocratique iranien.
  • L’antisémitisme de gauche est souvent articulé par des groupes anti-impérialistes. Cette variante se retrouve ostensiblement dans le cadre d’une prise de position unilatérale en faveur des « peuples opprimés » comme les Palestiniens, ou dans le soutien apporté à des groupes terroristes tels que le Hamas et le Hezbollah mais aussi dans les mouvements de boycott contre l’État d’Israël. Cette forme d’articulation s’accompagne parfois d’une critique régressive du capitalisme qui s’exprime par un antisémitisme structurel.

Ibid. p. 25-26.

NDT : Le terme de « fascisme clérical » est apparu dans les années 1920, pour désigner les relations entre le fascisme italien et l’Église. Il désigne une idéologie mêlant la doctrine économique et politique du fascisme à la théologie ou aux traditions religieuses.

Divers ressentiments peuvent cependant fusionner dans une vision du monde antisémite qui ne peut être saisie de manière a-critique dans des catégories aux démarcations nettes et qui est souvent projetée sur l’État d’Israël ou ses partisans, des entreprises capitalistes ou les États-Unis. Cela s’explique entre autres par le fait que depuis la Shoah, l’antisémitisme, pivot de la vision du monde national-socialiste, n’est plus socialement acceptable et pour se propager doit être « codé ».

La violation des règles de conduite et des tabous est cependant d’une grande importance, surtout chez les jeunes hommes, pour la formation et la consolidation de leur propre identité (masculine), surtout au sein de bandes. Dans le cadre de cette formation identitaire, les jeunes peuvent manifester une sensibilité pour le populisme sous diverses formes. Celui qui s’exprime dans le rap allemand, dans les vidéos de recrutement de Daesh. Celui-ci est présent à droite, au sein de l’AfD mais aussi à gauche au sein de groupes anticapitalistes et anti-impérialistes comme Jugendwiderstand – Dans ces différentes formations, on observe le tropisme de la personnalité autoritaire qui s’exprime, entre autres, par la « hype » autour des dirigeants de partis ou de mouvements populistes. On note aussi la tendance à diviser le monde entre le « bien » et le « mal » signe d’une incapacité à « penser en termes abstraits et à ressentir concrètement » .

NDT : Jugendwiderstand (« résistance de la jeunesse ») était un groupe maoïste berlinois qui a existé de 2015 à 2019. Le groupe était surtout connu pour sa propension à la violence, à l’antisionisme agressif et à la haine des antideutsch.

NDT : La personnalité autoritaire est une théorie de psychologie sociale et de science politique développée par l’École de Francfort. Selon Theodor W. Adorno, un certain nombre de traits de caractères, de valeurs et d’attitudes entraînent chez les personnalités autoritaires un penchant et des comportements fascistes, anti-démocratiques et intolérants aux minorités ethniques. Ces traits sont évalués dans une enquête par un système cohérent (structure de la personnalité) qui provient d’expériences caractéristiques de l’enfance et d’un schéma de fonctionnement interne, en particulier du rôle du père dans la famille européenne et plus généralement dans les sociétés traditionnelles (par opposition aux sociétés ouvertes).

Salzborn Samuel & Kuhrt Alexandra, Antisemitismus in der Schule. Erkenntnisstand und Handlungsperspektiven. Wissenschaftliches Gutachten, TU Berlin, 2019, p.5. NDT :

Adorno affirme, à raison que l’antisémite inverse la relation entre l’abstrait et le concret. Dans l’antisémitisme, l’individu est doublement désubjectivé, il abandonne à la fois sa capacité de réflexion autonome et son empathie. Le souhait antisémite de penser concrètement est complété par une incapacité de ressentir concrètement ; la vision du monde de l’antisémite doit être concrète mais son ressenti abstrait. Par conséquent, les schémas de pensée antisémite ne peuvent être seulement réduits au national-socialisme ou à la frange (néo)nazie et populiste de droite de la société ou assimilés au racisme.

« Alors que dans le cas de l’antisémitisme, tous les stéréotypes sont de la pure fiction, dans le cas du racisme. En revanche, les cas individuels se voient sur-généralisés, c’est-à-dire stéréotypés et projetés sur toutes les personnes de ce groupe. L’antisémitisme se distingue également du racisme en ce que les Juifs-ves sont aujourd’hui principalement perçu-es comme des ennemi-es au sein de la société, tandis que les non-blanc-hes, les réfugié-es ou les étrangers-ères sont perçu-es comme des menaces venant de l’extérieur ».


Sanders Tina, « Antisemitismus im Fußball », freie-radios.net, 03/06/2019, https://www.freie-radios.net/95661

En outre, l’antisémitisme post-nazi suppose principalement « la supériorité des Juifs, tandis que le racisme ne peut fonctionner qu’en partant du principe que l’autre partie est dévalorisée et rabaissée » .

Ibid.
NDT : La réduction du national-socialisme à la seule dimension raciste de son antisémitisme a conduit à ce que l’antiracisme en Allemagne mette au centre de son activité l’activisme et la pédagogie. Comme les musulmans ou celles et ceux qui sont perçus comme tel-les sont les premières cibles de la Nouvelle Droite, leur statut se réduit souvent exclusivement à celui de victimes. L’antisémitisme islamique se voit donc souvent relativisé dans le travail d’éducation politique.

3. Pistes pédagogiques pour combattre l’antisémitisme

« Ce qui importe sans doute essentiellement, c’est la manière dont le passé est rendu présent, si l’on reste au stade des reproches, ou si l’on résiste à l’horreur parce qu’on a la force de comprendre même l’incompréhensible. Cela nécessiterait à vrai dire une éducation des éducateurs eux-mêmes. (…) Il serait urgent d’exiger qu’on renforce dans les universités une sociologie qui rejoindrait la recherche historique sur notre époque. »

Adorno Theodor W., « Qu’est-ce que repenser le passé », Modèles Critiques, Payot, 2003, p. 125-126.

L’appel de Theodor W. Adorno en faveur d’une « éducation des éducateurs » est toujours d’actualité. Dans un contexte de vote élevé pour une droite alternative qui déplore une prétendue « réduction actuelle de la culture mémorielle allemande à l’époque du national-socialisme » , l’étude de la Shoah tel qu’elle est établie dans l’enseignement de l’histoire et de l’allemand constitue une exigence minimale. Cependant, comme l’ont souligné Salzborn et Kuhrt, dans leur rapport intitulé L’antisémitisme à l’école, l’enseignement scolaire ne parvient pas à mener pleinement à bien cette tâche éducative .

Alternative für Deutschland, Programm für Deutschland. Das Grundsatzprogramm der Alternative für Deutschland, 2016.

Salzborn Samuel & Kuhrt Alexandra, Antisemitismus in der Schule. Erkenntnisstand und Handlungsperspektiven. Wissenschaftliches Gutachten, TU Berlin, 2019, p. 6.

Ainsi, le rapport montre que l’on peut devenir enseignant sans avoir étudié la Shoah. Il relève aussi d’autres problèmes, tels que la représentation hostile à Israël du conflit au Moyen-Orient dans les manuels scolaires ou des défaillances de la part des autorités scolaires : ainsi, certaines directions ou inspections semblent réticents à nommer explicitement les actes antisémites et à engager de poursuites disciplinaires .

Ibid. p. 23-25.

Par conséquent, l’éducation extrascolaire ne doit pas se limiter aux élèves, mais doit également s’adresser aux pédagogues, aux acteurs-rices scolaires et à l’ensemble des personnes et instances transmettant des savoirs même si nous nous contentons ici d’esquisser les contours d’une journée à thème sur l’antisémitisme pour des jeunes de 15 à 18 ans.

Sur la base de ces hypothèses, un programme éducatif spécifique sur l’antisémitisme est nécessaire, c’est-à-dire des journées à thème qui traitent spécifiquement des différentes formes d’antisémitisme et de la Shoah. Il ne suffit donc pas d’aborder brièvement le sujet dans le contexte de projets portant sur l’extrémisme de droite.

Mais à quoi ressemble une bonne journée à thème sur le sujet, et quels sont les éléments et les méthodes de travail de l’éducation politique qui peuvent être appliqués ?

En amont, les membres de l’équipe doivent décider s’il s’agit d’une offre de prévention ou d’intervention. L’expérience des éducateurs politiques montré qu’il est préférable de laisser les enseignant- en dehors de la classe pour rompre avec l’enseignement frontal habituel et de permettre aux élèves de s’ouvrir et de participer.

Dans la première phase d’un atelier de prévention, les élèves apprennent à se connaître et le niveau de connaissance sur le sujet est testé en posant les questions « Qu’est-ce que l’antisémitisme ?» et « Où et sous quelle forme avez-vous déjà rencontré l’antisémitisme ? ». Après une évaluation conjointe, les différences et les similitudes du racisme et de l’hostilité envers les populations juives sont discutées. Les différentes spécificités font l’objet d’un travail de groupe au cours duquel les caricatures racistes et antisémites sont analysées et évaluées.

Les élèves acquièrent ensuite une connaissance des formes historiques spécifiques de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme en utilisant des sources historiques au moyen d’une chronologie. Dans la suite de la discussion, l’antisémitisme exterminateur des nationaux-socialistes est examiné sur la base des questions suivantes : « Comment les Allemands ont-ils pu succomber au délire d’extermination systématique de six millions de Juifs ? », « Peut-on expliquer ce crime par l’histoire de l’antisémitisme ? », ou « Est-ce qu’une dimension supplémentaire du délire antisémite s’y ajoute ici ? ».
Dans la phase finale, les élèves apprennent à connaître les formes de personnification de l’antisémitisme, les liens stéréotypés entre l’hostilité anti-juive et le conflit au Moyen-Orient, et les contre-arguments à opposer à l’antisémitisme post-Shoah.

Des journées à thème réussies sur ce sujet peuvent donner aux élèves l’occasion de se confronter activement à un problème social et d’apprendre à reconnaître le judaïsme comme religion parmi de nombreuses autres et Israël comme un État démocratique. Parmi les autres objectifs d’apprentissage figurent la perception de l’hostilité antijuive comme un problème de la société dans son ensemble et non seulement de la minorité concernée. Plus largement, il sont en mesure d’analyser le fonctionnement du ressentiment, des accusations unilatérales et des idées conspirationnistes. En fin de compte, l’éducation politique peut donner aux élèves les moyens de se dresser contre les pratiques discriminatoires et d’assumer leur responsabilité de citoyen et citoyennes autonomes dans une société libérale et démocratique .


OSCE, Antisemitismus thematisieren. Warum und Wie. Leitfaden für Pädagoginnen und Pädagogen, 2007, p.7. 

Lors de cette journée à thème, des expositions, des discussions avec des témoins de l’histoire ainsi que des visites préparatoires et de suivi sur des sites commémoratifs peuvent être proposées. Néanmoins, les journées à thème ne devraient pas se limiter à la Shoah, mais inclure également des projets sur l’histoire juive, le judaïsme contemporain et Israël. Dans ce contexte, l’examen du conflit au Moyen-Orient s’avère d’une grande importance, car les formes d’articulation antisémites y puisent également leurs origines .

4. Pour une politique de prévention

Les rapports d’expérience pratique des éducateurs politiques suggèrent qu’une journée à thème n’est pas suffisante pour sensibiliser à long terme au sujet. Pour ne pas réduire leur travail à sa seule fonction de « pompier », plusieurs mesures semblent nécessaires :

  • Premièrement, il faut introduire une norme de qualité obligatoire à l’échelle nationale pour le travail d’éducation politique. Cela signifie que les des qualifications scientifiques et pédagogiques doivent être exigées pour les opérateurs et que les projets existants doivent être évalués régulièrement. Il faut créer des cours de formation continue et des séminaires pour les élèves en mettant l’accent sur la critique de l’antisémitisme.
  • Deuxièmement, les sciences sociales doivent être comprises comme des sciences qui visent à éclairer, à intervenir dans le discours social et à prendre position.
  • La lutte contre l’antisémitisme doit être mise en avant dans le cadre des chaires d’éducation politique dans les universités.
  • Une approche interdisciplinaire doit être privilégiée dans ces formations, intégrant la psychologie de l’éducation.
  • Cette mission passe par la lutte contre la précarisation du travail d’éducation politique et la reconnaissance d’un véritable statut à ces acteurs éducatifs avec les financements nécessaires.
  • Les offres de prévention et d’intervention doivent être conçues comme une tâche sociopolitique transversale, mobilisant également le secteur culturel. Le travail d’éducation politique doit mettre en avant un positionnement universaliste et ne pas succomber au relativisme culturel. L’antisémitisme de droite, de gauche et islamiste doivent être combattus de manière égale.

L’éducation, l’instruction et l’éveil ont des limites : tout le monde n’est pas réceptif à l’enseignement, l’éducation n’est pas toute puissante. C’est pourquoi, dans certains cas, la répression et la sanction sont inévitables. Dans ce domaine aussi, la coopération des éducateurs politiques est essentielle. En outre, la plupart des gens qui participent à des activités éducatives extrascolaires, généralement facultatives, le font en raison de leur motivation intrinsèque et de leurs connaissances préalables. Par conséquent, les personnes qui ont le plus besoin d’être éduquées sur l’antisémitisme, puisqu’elles partagent elles-mêmes des ressentiments antisémites ou une telle vision du monde, ne profitent généralement pas d’une telle offre. Il est donc nécessaire de créer des programmes obligatoires ainsi que d’éduquer les personnes intéressées par la critique de l’antisémitisme de manière à ce qu’elles puissent intervenir – par exemple, dans le cadre d’une discussion sur le conflit au Moyen-Orient – et contrecarrer les formes d’articulations et les pratiques antisémites.

Ce texte a été publié pour la première fois en allemand : Buske, Jérôme/Sanders, Tina « Möglichkeiten und Grenzen der antisemitismuskritischen Bildungsarbeit » in perspektivends. 36. Jg. 2019/Heft 2. 170-178.

Traduit de l’allemand par Memphis Krickeberg

Orientation bibliographique

Pour citer cet article

Jerome Buske, Tina Sanders et Memphis Krickeberg, « Allemagne : fin du consensus sur la mémoire de la Shoah? Réflexions sur la prévention de l’antisémitisme », RevueAlarmer, https://revue.alarmer.org/sur-les-possibilites-et-les-limites-dun-travail-educatif-critique-en-matiere-dantisemitisme/

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