La loi Taubira a 20 ans…
A l’occasion des 20 ans de la loi Taubira qui porte reconnaissance de l’esclavage comme un crime contre l’humanité RevueAlarmer a choisi de proposer à ses lecteurs et lectrices une série d’articles qui reviennent sur cette histoire tragique dans le ventre duquel s’est façonnée la négrophobie contemporaine.
C’est à une exploration sur le temps long, entre le VIIe et le XXe siècle, qu’invite la notice « Esclavage et traites africaines » rédigée par l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch. Elle y montre que l’Afrique fut à la fois un acteur et le centre de réseaux multiples d’un trafic d’êtres humains qui s’organisèrent d’abord à travers l’océan Indien et le Sahara, avant de connaître un développement sans précédent jusqu’aux Amériques à partir de la fin du XVe siècle.
Benoît Drouot a lu l’ouvrage dirigé par Marie-Albane de Suremain et Éric Mesnard, Enseigner les traites, les esclavages, les abolitions et leurs héritages dont l’ambition est de « croiser les perspectives sur l’enseignement de ces questions en Afrique, en Europe et en Amérique ». Il en ressort que sur ces trois continents subsiste une difficulté réelle à prendre en charge des passés tragiques qui continuent d’imprimer leurs effets sur les sociétés contemporaines. En dépit des efforts déployés par de nombreux acteurs de l’enseignement, partout les conditions d’une transmission apaisée d’une histoire complexe restent largement à construire.
Portraits croisés
C’est aussi la tragédie historique de l’esclavage et ses effets sur les sociétés américaines qui réunissent les trois figures historiques dont la revue propose les portraits. Antoine Guégan nous emmène à la découverte de l’abolitionniste étasunien John Brown (1800-1859) dans son article « The Good Lord Bird : le mythe du sauveur blanc revisité. » Personnage controversé, il hante le cinéma dès ses débuts jusqu’à aujourd’hui avec l’adaptation récente par Ethan Hawke du roman de James McBride, The Good Lord Bird. A travers les yeux d’un jeune garçon noir la mini-série télévisée raconte les dernières années de Brown, jusqu’à son échec à Harpers Ferry, dans sa tentative de combattre l’esclavage par les armes.
C’est depuis son exil à Guernesey que Victor Hugo apprend la condamnation à mort du militant abolitionniste, « égorgé par la république américaine », et demande sa grâce le 2 décembre par une lettre-plaidoyer publiée dans un journal haïtien par Exilien Heurtelou. Une correspondance se noue entre l’homme de lettres et le journaliste haïtien où Hugo dit toute son admiration pour la jeune république haïtienne. Dans son article « Ténèbres de l’esclavage, lumières de la révolte : une lettre de Victor Hugo à Exilien Heurtelou (1860) », Michaël Roy met en contexte à la fois l’engagement de Hugo pour l’abolitionniste Brown et son analyse de la situation politique étatsunienne à la veille de la guerre de Sécession et nous montre une histoire transversale de l’abolitionnisme.
W.E.B. Du Bois, dont le livre Pénombre de l’aube. Essai d’autobiographie d’un concept de race vient d’être publié, est une autre figure de premier plan de la lutte pour l’égalité des droits, mal connue de ce côté-ci de l’Océan Atlantique. Dans sa recension, François-René Julliard retrace le long parcours intellectuel de l’historien devenu militant, un temps rédacteur en chef de la revue du NAACP, qui lutta à la fin de sa vie en faveur du panafricanisme et d’une approche internationaliste du mouvement des droits civiques.
Retours au Rwanda
Alors que la commission Duclert a rendu son rapport, nous vous proposons la lecture de deux ouvrages qui reviennent 27 ans plus tard au Rwanda. Dans son nouveau livre consacré au Rwanda, Là où tout se tait, Jean Hatzfeld choisit de raconter la « gentillesse invincible » de ceux qui ont sauvé des vies tutsi entre avril et mai 1994. Florent Piton s’interroge avec l’auteur sur la faible place laissée dans les mémoires par ces sauveteurs et replace les actes de sauvetage dans la complexité des parcours de vie.
Le retour de Patrick de Saint-Exupéry au Rwanda, est une Traversée dans les pas de Joseph Conrad. Annette Becker a lu cette enquête au long cours sur le génocide des Tutsi du Rwanda, et nous offre son regard sur la thèse fallacieuse du « double génocide » et la question des réfugiés hutu au Congo.