Depuis le 24 février 2022, les forces armées de la Fédération de Russie sont engagées dans une agression militaire de l’Ukraine que rien ne justifiait. Cette attaque s’inscrit dans le prolongement de l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie en 2014 et de sa forte implication dans le conflit armé dans la région du Donbass.
L’attaque russe fait suite aux accusations formulées par le président russe Vladimir Poutine de crimes contre l’humanité et de génocide qui auraient été commis par le gouvernement ukrainien dans le Donbass. La propagande russe présente régulièrement les dirigeants élus de l’Ukraine comme des nazis et des fascistes qui opprimeraient la population locale d’origine russe, qui devrait donc être libérée. Le président Poutine a déclaré que l’un des objectifs de son « opération militaire spéciale » contre l’Ukraine est la « dénazification » du pays.
Vladimir Poutine a utilisé les mots de génocide (« Pour nous ce qu’il se passe dans le Donbass aujourd’hui, c’est précisément un génocide » à l’occasion de la conférence de presse du 15 février avec le chancelier fédéral allemand Olaf Scholz. (https://www.youtube.com/watch?v=9uQbYeoZwZc, en russe, consulté le 27 février 2022)
En russe « spetsial’naja voennaja operatsia » (« специальная военная операция »), discours de Vladimir Poutine du 24 février 2022.
En russe « denazifikatsia », (« Еë цель — защита людей, которые на протяжении восьми лет подвергаются издевательствам, геноциду со стороны киевского режима. И для этого мы будем стремиться к демилитаризации и денацификации Украины » : « Son objectif est la défense de ceux qui depuis huit années sont humiliés et les victimes d’un génocide organisé par le régime de Kiev. Pour ce faire, nous aspirons à la démilitarisation et à la dénazification de l’Ukraine »), discours de Vladimir Poutine du 24 février 2022.
Nous sommes des spécialistes des processus génocidaires, de la Shoah et de la Seconde Guerre mondiale. Nos vies professionnelles sont dédiées à l’étude du fascisme et du nazisme, et à la commémoration de leurs victimes. Nombre d’entre nous sont activement engagés dans la lutte contre les héritiers actuels de ces régimes maléfiques et contre tous ceux qui tentent de nier ou de dissimuler leurs crimes.
Nous rejetons fermement l’utilisation cynique par le gouvernement russe du terme génocide, de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, ainsi que l’assimilation de l’État ukrainien au régime nazi pour justifier son agression unilatérale. Cette rhétorique est erronée sur le plan des faits, moralement répugnante et profondément offensante pour la mémoire des millions de victimes du nazisme et de ceux qui l’ont courageusement combattu, notamment les soldats russes et ukrainiens de l’Armée rouge.
Nous n’idéalisons pas la société et l’État ukrainiens. Comme tout autre pays, il compte des groupuscules d’extrême droite extrémistes et des groupes xénophobes violents. L’Ukraine doit aussi mieux faire face aux chapitres les plus sombres de son histoire douloureuse et compliquée. Pourtant, rien de tout cela ne justifie l’agression russe et cette manière écœurante de qualifier l’Ukraine. En ce moment crucial, nous nous unissons à l’Ukraine libre, indépendante et démocratique et rejetons fermement l’utilisation abusive par le gouvernement russe de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale comme légitimation de sa propre violence.
Ce texte a été publié en anglais et en russe avec la liste des signataires le 27 février 2022 dans le Jewish Journal que vous pouvez trouver ici.
La rédaction de la RevueAlarmer remercie Evgueni Finkel pour l’autorisation de publier ce texte. Les notes sont de la rédaction.
Pour citer cet article
Collectif, « Guerre en Ukraine : déclaration de spécialistes des processus génocidaires, du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale », RevueAlarmer, mis en ligne le 28 février 2022, https://revue.alarmer.org/declaration-de-specialistes-des-processus-genocidaires-du-nazisme-et-de-la-seconde-guerre-mondiale/