05.01.23 Les tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, un livre d’Anthony Guyon

Le livre d’Anthony Guyon offre une synthèse très complète de l’histoire des tirailleurs dit sénégalais. Cette histoire est celle d’hommes issus de l’Afrique subsaharienne sous domination française et intégrés à l’armée française durant l’époque coloniale. Majoritairement recruté en Afrique de l’Ouest, et d’abord au Sénégal (ce qui explique que le terme générique « sénégalais » se soit imposé), le corps des tirailleurs a été créé officiellement par Napoléon III en 1857. Des soldats africains, héritiers de ce corps, sont intégrés à l’Armée française jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie. Stricto sensu, cette « aventure ambiguë », pour reprendre le titre du roman de Cheikh Hamidou Kane, excède les bornes chronologiques de l’époque coloniale ouest-africaine, placées généralement autour de 1880 (qui correspond à la période de la conquête territoriale) jusqu’en 1960 et les indépendances formelles des pays africains. Depuis une vingtaine d’années, l’histoire des tirailleurs a fait l’objet d’une attention renouvelée de la part des historiens, à la fois dans plusieurs pays d’Afrique francophone, en France, mais aussi aux États-Unis. De plus, ces tirailleurs dont les derniers représentants disparaissent progressivement, sont aussi devenus un objet de mémoire en France et, avec des disparités, dans la plupart des pays d’Afrique anciennement colonisés par la France. L’un des objectifs d’Anthony Guyon est de tenter de démêler les fils de l’histoire et de la mémoire. L’auteur a soutenu, en 2017, une thèse sur les tirailleurs pendant l’entre-deux-guerres, exploitant des documents jusqu’alors peu, si ce n’est jamais, utilisés : le « fonds de Moscou », c’est-à-dire les archives du ministère de la Guerre récupérées par les Allemands après la défaite de 1940, puis par les Soviétiques après 1945 et finalement rendues à la France en deux fois en 1994 et 2004. Les tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat de 1857 à nos jours constitue cependant une publication originale, ayant obtenu le soutien du Ministère des Armées, différente de la thèse, où l’auteur prend le parti de revisiter une histoire de longue durée et d’en proposer une lecture à destination des publics profanes comme spécialistes.

Cheikh Hamidou Kane, L’aventure ambiguë, Julliard, 1961.

À l’exception de la Guinée qui prend son indépendance dès 1958 au moment du référendum d’adhésion à la Communauté franco-africaine proposée par de Gaulle.

Anthony Guyon, « De l’indigène au soldat : les tirailleurs sénégalais de 1919 à 1940 : approche anthropologique et prosopographique », thèse d’histoire soutenue à l’Université de Montpellier en 2017.

Anthony Guyon, 2022, Les tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, Paris, Perrin., 2022.  

Le premier chapitre, « La genèse des tirailleurs sénégalais (1857- XIXe siècle) » commence par l’évocation des premiers recrutements, dès le XVIIe siècle, de jeunes Africains par la puissance impériale. Anthony Guyon replace l’histoire de la création en 1857 du corps militaire des tirailleurs dans une histoire globale en rappelant le contexte de son apparition et de son déploiement à partir du Sénégal, favorisé par la pression des grands commerçants bordelais qui s’implantaient alors en Afrique et souhaitaient une force de maintien de l’ordre pour sécuriser leurs commerces. En se centrant sur la puissance militaire coloniale, et non sur des dynamiques internes à l’Afrique, l’auteur propose ensuite une comparaison à l’échelle de l’empire entre l’Asie et l’Afrique : au milieu du XIXe siècle, les autorités politiques françaises fournissent peu de moyens pour la conquête territoriale de l’Afrique, à la différence de celle l’Indochine, où stationnent 36 000 soldats métropolitains entre 1885 et 1887 (p. 36). Alors qu’en Afrique, les soldats métropolitains sont victimes de maladie, les autorités coloniales vont procéder à des recrutements de plus en plus importants d’Africains afin de pénétrer à l’intérieur des terres et d’y soumettre les populations. Ces enjeux sont examinés à l’aune d’une histoire de la construction des savoirs militaires, en évoquant les deux théoriciens militaires que sont les généraux Théophile Pennequin (1849-1916) en Asie, et Charles Mangin en Afrique (p. 51). Bien connues, les thèses du général Mangin à propos de la « force noire », expression désignant les tirailleurs africains, ne sauraient rendre compte de la réalité des rapports entre la hiérarchie et la troupe coloniale. Selon Anthony Guyon, certains historiens « défendent davantage l’idée d’un dialogue entre les officiers opérants dans les territoires impériaux » (p. 80) dans la construction d’une doctrine militaire coloniale. Une étude plus fine de ces réseaux militaro-scientifique serait une des pistes à suivre pour de futures recherches.

La Force noire est le titre de l’ouvrage que rédige Charles Mangin en 1910. L’expression révèle une certaine vision essentialisante et racialisante de ces soldats. Dans son ouvrage, Mangin cherche à convaincre les autorités militaires et politiques que l’Afrique peut fournir une réserve massive d’hommes pour l’armée et que, de manière innée, certaines « races » africaines produisent de bons guerriers. À l’inverse, d’autres officiers pensaient eux que les Africains ne pouvaient pas être de bons soldats. Sur ce sujet des « races martiales », voir Lunn, Joe. « “Les Races Guerrières”: Racial Preconceptions in the French Military about West African Soldiers during the First World War », Journal of Contemporary History 34, no 4 (1999), p. 517-36 ou Stéphanie Soubrier,« Races guerrières » : armée, science et politique dans l’empire colonial français (années 1850-1918), thèse sous la direction de Dominique Kalifa, Université Paris 1, Panthéon Sorbonne, 2019.

Le deuxième chapitre, « De Fachoda au Maroc, l’affirmation de la ‘force noire’ (fin XIXe siècle-1913) » montre le renforcement de cette troupe coloniale. En 1900, les « troupes de marine» prennent le nom de troupes coloniales (les tirailleurs étaient d’abord sous tutelle du ministère de la Marine et passent alors sous celle du ministère des colonies) et « leurs effectifs augmentent progressivement pour atteindre 30 000 hommes en 1914 » (p. 74). À la veille de la Première Guerre mondiale, en 1912, un décret institue le service militaire pour « les hommes des villages africains avec la création de réserves (…). Ce décret constitue une première étape avant celui de juillet 1919, qui instaure une conscription par tirage au sort » (p. 77). S’il se met alors en place un cadre réglementaire et donc des logiques étatiques de plus en plus bureaucratisées, comme le précise Anthony Guyon, les recrutements doivent être pensés non pas uniquement comme des phénomènes de contrainte, ou d’adhésion volontaire dans certains cas, mais plutôt comme le fruit d’une « négociation entre les autorités métropolitaines et les autorités villageoises » (p. 44).

Créé au XVIIe siècle, et composée de plusieurs corps d’armes – infanterie, artillerie, cavalerie –, les troupes de marines participent à l’expansion impériale française durant tout le XIXe siècle.

Le chapitre 3, « Des tirailleurs sénégalais en Europe. La grand Guerre (1914-1918) », évoque un moment décisif de l’histoire des tirailleurs : leur participation massive au premier conflit mondial. En effet, ce sont près de 200 000 soldats africains qui sont envoyés en Europe. C’est d’ailleurs une spécificité française que d’avoir fait venir des troupes africaines sur le vieux continent. Si ces faits sont connus pour les champs de bataille hexagonaux, Anthony Guyon rappelle, à juste titre, leur présence dans les Dardanelles et sur le front oriental. Sur 10 700 soldats présents aux Dardanelles, près de 5 500 viennent d’Afrique subsaharienne (p. 107). L’auteur rappelle aussi que les combats de la Première Guerre se sont également déroulés en Afrique même où, pendant la campagne du Cameroun en 1914-1916, près de 60 000 porteurs assurent l’intendance et la logistique pour les combattants sur des terrains où la marche est le seul moyen de locomotion (p. 123). À cette même période, entre novembre 1915 et juillet 1916, alors que les autorités militaires comprennent que la guerre risque de durer, elles décident de lancer une grande campagne de recrutement à laquelle les populations de la région du Bani-Volta (dans l’actuel Burkina-Faso) s’opposent. Ces révoltes sont matées brutalement. C’est finalement avec la bataille de Verdun, de février à décembre 1916, que les tirailleurs s’illustrent sur le champ de bataille au prix de nombreuses pertes. À cette occasion, le député sénégalais Blaise Diagne affuble le général Mangin du titre de « boucher des Noirs ».

À partir de la fin du XIXe siècle, les natifs des quatre communes sénégalaises que sont Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis obtiennent la citoyenneté française et donc le droit de vote pour envoyer des représentants à la Chambre des députés française. Blaise Diagne est le premier député noir – il était en fait métisse – à être élu en 1914. Diagne fit passer deux lois en 1915 et 1916 renforçant la citoyenneté pour les « originaires » des quatre communes et joua un rôle important dans le recrutement de tirailleurs au début de l’année 1918, justement en promettant que le prix du sang permettrait l’obtention de droits politiques – ce qui ne fut pas le cas. Après la Première guerre mondiale, il se rangea du côté des lobbys coloniaux et son image reste encore aujourd’hui très contrastée.

Le chapitre 4, « De l’Afrique à la Rhénanie, une ‘paix illusoire’ », revient sur la période de l’entre-deux-guerres. L’historien propose ici une comparaison avec les autres puissances engagées dans le premier conflit mondial. En France, les autorités peinent, notamment par manque de moyens, à rapatrier les soldats en Afrique. C’est lors d’un rapatriement que survient le naufrage, au large de Bordeaux, du paquebot « Afrique » en partance pour Dakar, le 12 janvier 1920. Le bilan de ce drame oublié jusqu’à récemment est lourd : sur les près de 600 passagers (dont 135 membres de l’équipage), 34 seulement sont sauvés. Des 192 tirailleurs, présents à bord, un peu moins d’une dizaine – les chiffres diffèrent selon les sources – échappent à la noyade. Plus généralement, les tirailleurs doivent faire face, à leur retour, chez eux aux conséquences de la violence subie pendant les combats en métropole. En Europe, suite au Traité de Versailles, ils sont employés à occuper la Rhénanie en Allemagne de l’Ouest. Au cours de cette occupation, ils seront les victimes d’une campagne raciste de la presse allemande , qui les accuse de viols et d’abus sexuels sur les femmes allemandes et parle de « honte noire » – l’historiographie a depuis montré que si des faits de cette nature avaient pu être commis, ils ne l’étaient pas dans les proportions décrites.

George Mosse, Fallen soldiers: reshaping the memory of the world wars, 1990, publié en français sous le titre De la grande guerre au totalitarisme : la brutalisation des sociétés européennes, traduit de l’anglais américain par Edith Magyar, Hachette/Littératures, Paris, 1999.

Voir notamment Jean-Yves Le Naour, La honte noire. L’Allemagne et les troupes coloniales françaises, 1914-1945, Hachette Littérature, 2004.

Le chapitre 5, « Mi-soldat, ‘mi-indigène’ » revient sur la question des représentations autour des tirailleurs et de leur diffusion dès la campagne du Maroc de 1908. L’occupation de la Rhénanie aux lendemains de la Première Guerre mondiale renforce des représentations caricaturales où, dans la presse et les romans, les tirailleurs usent de leurs coupe-coupe et tranchent des oreilles allemandes pour s’en faire des colliers, pur fantasme occidental à l’égard de l’Afrique. À ces images pour le moins dépréciatives, les autorités françaises vont opposer celle d’un tirailleur valeureux. L’image du « sauvage » devient celle du « grand enfant », notamment avec les publicités Banania et, dans l’entre-deux-guerres, le pouvoir politique va mettre en scène ces tirailleurs pour preuve de la réussite de la « mission civilisatrice ». Il s’agit de « domestiquer » ces hommes – les sources militaires parlent d’ailleurs de dressage, même si le terme ne s’applique pas uniquement aux troupes coloniales (p. 198). Les tirailleurs sont notamment parmi les « vedettes » de la grande exposition coloniale de 1931, quand bien même les conditions de vie des tirailleurs hors du temps de l’exposition diffèrent sensiblement de ce qui est montré au public (p. 198). Dans une perspective d’histoire culturelle, l’auteur s’intéresse à leur présence en France hors du temps des combats. Il évoque leur vie sentimentale et sexuelle en soulignant que, si lors du temps de la conquête, des concubines africaines avaient pu les suivre sur les champs de bataille les autorités militaires mettent ensuite en place des bordels militaires. Pendant toute la période coloniale, ces autorités sont traversées par la crainte de l’union des tirailleurs avec des femmes blanches. Elles n’empêchent pourtant pas formellement des mariages avec des femmes françaises, mais font tout pour les limiter. Et quand ces unions adviennent, il s’agit de faire en sorte que le tirailleur reste en métropole avec son épouse, plutôt qu’elle ne se rende dans les colonies au risque de générer l’image d’une femme blanche jugée rabaissée. En outre, durant cette période, l’armée va commencer à faciliter en son sein la promotion d’Africains par diverses voies d’accès – et notamment à partir de 1925, par la création d’une école des sous-officiers.

Le chapitre 6, « Des massacres de 1940 aux Français libres », se concentre sur les cinq années du second conflit mondial. À la différence de la Grande Guerre, les tirailleurs sont intégrés dans les plans de mobilisations des militaires français à la veille du conflit. Alors que les tirailleurs subissent, comme l’ensemble de l’armée, la débâcle du printemps 1940, beaucoup d’entre eux vont être exécutés sauvagement par les Allemands qui, au mépris des règles conventionnelles de guerre, ne souhaitent pas faire de prisonniers. Selon les estimations de différents travaux, ce sont près de 1 500 à 3 000 tirailleurs qui sont éliminés par les soldats de la Wehrmacht (p. 231). Ceux qui sont fait prisonniers expérimentent une captivité pour le moins étrange puisque, par crainte des nazis d’une présence coloniale sur le sol allemand, dans le prolongement de l’imaginaire racial des années 1920 –, ils seront gardés dans des camps de prisonniers en France ; et même, à partir de 1943, surveillés par leurs propres officiers français puisque la Wehrmacht doit déployer au maximum ses propres soldats et officiers sur le front de l’Est. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendrele massacre de Thiaroye. Libérés de ces Frontstalags à l’été et l’automne 1944, les tirailleurs sont contraints de réembarquer pour l’Afrique afin d’être démobilisés. À cette occasion, ils sont censés toucher leur rappel de soldes de captivité, ainsi que diverses primes. Mais à Dakar les autorités civiles et militaires tergiversent et refusent de payer ces hommes. Il va s’en suivre un massacre dans un camp militaire en périphérie de Dakar – reconnu par le président François Hollande dans la capitale du Sénégal en 2012, puis en 2014 – qui fait probablement plusieurs centaines de morts, même si les sources militaires tendent à diminuer sensiblement ce bilan. Anthony Guyon évoque aussi plusieurs figures de tirailleurs qui rejoignent la Résistance intérieure, le plus célèbre d’entre eux étant le guinéen Addi Bâ (de son véritable patronyme Hady Bah) qui dirige pendant près de trois ans un maquis dans les Vosges jusqu’à la fin 1943, date de son arrestation puis de son exécution. Enfin, il mentionne la participation massive des tirailleurs au débarquement de Provence.

Martin Mourre, Thiaroye 1944. Histoire et mémoire d’un massacre colonial, PUR, 2017.

En 2012, devant l’Assemblé nationale sénégalaise, François Hollande évoque le massacre de Thiaroye et fait la promesse de rendre toutes les archives dont la France dispose sur ce drame, promesse qu’il tient effectivement deux ans plus tard, en prononçant cette fois un discours dans l’enceinte même du cimetière militaire de Thiaroye.

Il s’agit d’une mauvaise transcription des autorités françaises.

Le chapitre 7, « le crépuscule (1945-2021) », s’intéresse à l’histoire des tirailleurs après la Seconde Guerre mondiale. On peut s’interroger sur ce choix de lier ces années de la décolonisation, en incluant la participation aux deux conflits majeurs que furent les guerres d’Indochine et d’Algérie, et ce temps postcolonial marqué par la construction mémorielle dans l’espace public français sur près de soixante ans. L’auteur rappelle que les armées nationales africaines nouvellement indépendantes ont été composées de vétérans de l’armée coloniale dont beaucoup, d’ailleurs, ont tenté de prendre le pouvoir à l’occasion de coups d’Etat, et parfois réussi. Ainsi, dans les mois qui suivent la fin du second conflit mondial, les tirailleurs apparaissent comme l’un des bras armés de l’impérialisme français : ils participent aux massacres du Constantinois en Algérie, à partir de Sétif le 8 mai 1945, qui s’étalent ensuite sur plusieurs mois, et à Madagascar à partir du printemps 1947. Fait moins connu, les tirailleurs répriment aussi les mouvements de grèves en France (p. 280). À partir d’avril 1947, ils sont présents en Indochine jusqu’à représenter plus de 15% du contingent à la fin de la guerre en 1954. Si beaucoup des tirailleurs de l’Indochine, partent directement en Algérie, « après avoir transité par la France » (p. 285), l’auteur rappelle que, dès ces années 1950, leur solde est moins élevée que celle des soldats métropolitains et des soldats nord-africains. Le 14 juillet 1958, les tirailleurs défilent sur les Champs-Elysées pour la dernière fois. Mais, à la veille des indépendances, le gouvernement français, dans le vote de sa loi de finance, gèle les pensions de retraite des anciens combattants – avec des taux différenciés selon les pays. Cette décision donne lieu à de nombreux combats juridiques avant que dans les années 2000, notamment suite au succès du film Indigènes, la France ne finisse par accorder une pension égale pour tous les anciens combattants – d’où qu’ils viennent – mais sans effet rétroactif et alors que beaucoup d’entre eux étaient déjà décédés.

Indigènes est un film de Rachid Bouchareb sorti en France en 2006.

Pour conclure, ce livre sera assurément utile à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de ces hommes, mais aussi à l’histoire coloniale. Présenté de manière claire – plusieurs cartes apportent des éclairages appréciables et chaque fin de chapitre narre de manière illustrative le parcours d’un de ces hommes. L’ouvrage offre une vue d’ensemble sur ce corps d’armée pendant plus d’un siècle. On pourra regretter que certains travaux – notamment d’auteurs nord-américains ou africains, souvent cités dans la bibliographie finale, sont moins utilisés dans le corps du texte. Le livre d’Anthony Guyon invite à proposer de nouvelles pistes de recherches sur ces soldats. Présenté souvent aujourd’hui comme des héros – notamment pour leurs parcours dans les deux guerres mondiales, ils ont pourtant été utilisés par la puissance coloniale comme forces de répressions, notamment contre les mouvements indépendantistes, en Indochine et en Algérie, mais aussi en Afrique subsaharienne même. L’étude de leur présence au Maghreb, au Maroc pendant la conquête au début du XXe siècle, pendant la Seconde Guerre mondiale, et en Algérie pendant la guerre d’Algérie, permettrait d’interroger de manière novatrice la construction de stéréotypes raciaux de ce côté de la Méditerranée. Enfin, les représentations de force et de puissance auxquelles des autorités militaires et politiques métropolitaines, puis une opinion publique, les ont assignés questionnent les constructions des masculinités contemporaines en Afrique. Ces trois pistes invitent à s’intéresser aux transformations provoquées par les tirailleurs sur les sociétés africaines dans une longue durée.

Pour citer cet article

Martin Mourre, « Les tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, un livre d’Anthony Guyon », RevueAlarmer, mis en ligne le 5 janvier 2023, https://revue.alarmer.org/les-tirailleurs-senegalais-de-lindigene-au-soldat-de-1857-a-nos-jours-un-livre-danthony-guyon/

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