Assurer l’ordre intérieur et extérieur, en donnant à ces notions une interprétation antidémocratique, élaborer une vision impérialiste face au monde et adopter une attitude suspicieuse face à toute forme d’association qui remettrait en cause la souveraineté nationale : tels sont quelques traits spécifiques de la Russie d’aujourd’hui, celle gouvernée par Vladimir Poutine, selon Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt, auteurs de l’ouvrage Paris-Moscou. Un siècle d’extrême droite, publié aux éditions du Seuil en 2024. Ces éléments conduisent les deux chercheurs à définir la Russie de Poutine comme un régime d’extrême droite ou, pour mieux dire, à constater combien « cette représentation du monde a fort à voir avec le projet que portent les extrêmes droites » (p. 11).
En réalité, sur ces éléments distinctifs, le débat entre les spécialistes de la Russie est ouvert. Il y aurait, en effet, une politique étrangère impérialiste, vis-à-vis de l’ex-URSS et spécialement de l’Ukraine, mais dans le même temps le discours qui émane du Kremlin depuis quelques années est aussi anticolonialiste. Voir Maxime Audinet, « « A bas le néocolonialisme ! » Résurgence d’un récit stratégique dans la Russie en guerre »,étude de l’IRSEM, n°119, octobre 2024, disponible en ligne : https://www.irsem.fr/media/etude-119-audinet-russie-et-n-ocolonialisme-v2.pdf (dernière consultation le 05/03/2025). Je tiens à remercier Morvan Lallouet pour sa lecture et ses conseils.

L’existence de tels points communs n’est pas une découverte pour les historiens, politologues et experts de relations internationales. L’originalité de ce livre, en revanche, réside dans la tentative de Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt d’éclairer ces connexions et de les expliciter. Il s’agit d’un objectif ambitieux, d’autant que les deux auteurs ne se limitent pas à une description dense du présent mais se tournent également vers le passé, en s’efforçant de tracer une généalogie historique.
Les chapitres du livre suivent une progression chronologique mais, dans le même temps, chacun d’eux oscille constamment entre hier et aujourd’hui. Si cette fluctuation est parfois source de confusion pour le lecteur (on a quelquefois l’impression de se perdre dans ces allers-retours), elle est globalement efficace grâce aux compétences complémentaires des deux auteurs. Olivier Schmitt, professeur de relations internationales, est spécialiste des questions de sécurité européenne, particulièrement menacée par la guerre russo-ukrainienne et les stratégies de Poutine. Nicolas Lebourg, quant à lui, est l’un des plus grands spécialistes de l’extrême droite, notamment française, mais il adopte aussi une approche transnationale et d’histoire croisée, très efficace pour appréhender le sujet traité.
Dans Paris-Moscou les deux auteurs ne se contentent pas d’analyser « l’extrême droite institutionnalisée » (p. 19). Ils sont bien conscients que, face à ce type de mouvement politique, il est nécessaire de prendre en compte ce que l’historiographie a appelé l’avant-scène et l’arrière-scène. En effet, il existe au moins deux dimensions dans lesquelles les composantes de l’extrême droite opèrent, dimensions qui sont distinctes tout en étant étroitement mêlées. Les auteurs ne regardent donc pas uniquement la droite institutionnalisée, préférant observer le « paysage complet ».
Sur l’importance de comprendre et de combiner les deux plans, l’arrière-scène et l’avant-scène (back-stage and front-stage en anglais), voir par exemple Joe Mulhall, British Fascism After the Holocaust. From the Birth of Denial to the Notting Hill Riots 1939-1958, New York, Routledge, 2020, p. 21. Parmi les chercheurs qui ont réfléchi les premiers à cette duplicité des plans, il convient de mentionner Roger Eatwell, qui a toutefois préféré parler d’une dimension ésotérique et d’une dimension exotérique. Voir son article Towards a New Model of Generic Fascism’, Journal of Theoretical Politics, 4:2, 1992, p. 174
Une telle approche, consistant à questionner la profondeur historique des connexions entre Paris et Moscou, apparaît nécessaire, sinon indispensable, au vu de l’actualité, quoique très complexe. Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt identifient des liens entre la Russie et l’extrême droite française au passé comme au présent, même s’ils nous ne permettent pas toujours d’en évaluer la consistance et l’impact sur la culture et la politique de l’extrême droite française et russe et plus généralement, européenne et mondiale. Les auteurs sont d’ailleurs les premiers à reconnaître cette difficulté méthodologique.
L’analyse débute en 1917, avec la révolution bolchevique, une période d’importante émigration politique vers la France. Les Russes blancs, fuyant le bolchevisme après l’assassinat du tsar Nicolas II et durant la guerre civile (1918-1921), constituent le premier contingent d’exilés. Viennent ensuite d’autres opposants au léninisme ou au stalinisme, comme Léon Trotski (en France de juillet 1933 à juin 1935). Parmi ces groupes, seuls les Russes blancs, hostiles aux idéaux bolcheviques, s’intéressent à l’extrême droite française, un univers extrêmement dynamique comme l’ont montré les célèbres travaux de Zev Sternhell. Cependant ils n’ont pas tendance à rejoindre les organisations françaises, en raison de différences culturelles et politiques importantes, mais plutôt à en créer d’autres. « Les échanges franco-russes doivent se comprendre avec les différences de sensibilité existant dans les cultures politiques nationales : les Russes blancs [anti-bolcheviks] ne sont pas devenus des nationalistes français comme les autres », soulignent les deux auteurs (p. 35). Au sein de la communauté russe – dont Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt nous livrent un tableau riche et varié, d’une grande originalité – on note, par exemple, qu’en 1927 est fondée à Paris la section française de l’Union des associations des Jeunes Russes. Une association dont la majorité des adhérents sont basés à Paris, Lyon et Nice. Cette Union s’avère capable de publier « deux journaux en langue russe, un mensuel Jeunes Russes, tiré à 2 5000 exemplaires et un bimensuel, L’Étincelle russe, tiré à 5 000 exemplaires » (p. 64).
Catégorie qui, dans ce cas, désigne tous ceux qui ont refusé de considérer comme légitime la prise de pouvoir par les bolcheviks.
Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire : 1885-1914, les origines françaises du fascisme, Paris, Seuil, 1978 ; Id., Ni droite, ni gauche : l’idéologie fasciste en France, Paris, Seuil, 1983.
L’extrême droite, cependant, ne s’identifie pas au fascisme, qui n’en constitue qu’une partie. Sur ce point, les auteurs sont très explicites et s’insèrent dans le débat actuel, invitant à ne pas assimiler, même pour la période de l’entre-deux-guerres, les deux courants politiques : « La prise du pouvoir par les fascistes en Italie et les nationaux-socialistes en Allemagne tend a posteriori à réduire ce camp politique à l’expression de ces deux seuls courants. Il fut pourtant plus prolixe » (p. 75). D’où l’analyse du solidarisme, dont les origines remontent à la fin du XIXe siècle, ou plutôt de son interprétation d’extrême droite, qui a d’ailleurs fini par influencer les milieux de la diaspora russe en donnant naissance à la Narodno Trudovoï Soyouz (NTS, en français Alliance nationale du travail). Mais ce solidarisme transnational n’a pas pu maintenir sa forte identité (et donc son autonomie) au moment de la Seconde Guerre mondiale (p. 90).
Avec la guerre, le pacte Ribbentrop-Molotov en 1939 et l’opération Barbarossa en 1941, le tableau s’est ultérieurement complexifié : « N’étant jamais parvenus à établir un minimum commun d’aspirations ou d’actions, les groupes russes blancs de France sont condamnés à entrer dans la guerre en ordre dispersé, en suivant plus ou moins bien les dynamiques d’alliance transnationale » (p. 119).
Si l’extrême droite a été vaincue par la guerre, elle a été précocement réactivée, comme l’ont amplement démontré de nombreuses études. Toutefois, la perspective transnationale qui est celle des auteurs a le mérite de mettre en lumière la permanence d’un univers très contrasté (peut-être plus encore que dans l’entre-deux-guerres) et aussi très conflictuel en son sein. Comme les auteurs le soulignent, la revue Défense de l’Occident, l’une des expressions les plus importantes de l’extrême droite française, ne manifeste pas de proximité particulière avec le NTS à ses débuts : « La première analyse du NTS est publiée dans Défense de l’Occident, la revue de Maurice Bardèche […]. Le texte est de François Duprat, personnage qui parcourt l’histoire de la radicalité de droite jusqu’à son assassinat en 1978, alors qu’il était le numéro deux du Front national. Il [Duprat] n’est pas tendre et décrit l’idéologie de la formation comme étant “assez sommaire, essentiellement anticommuniste, plus ou moins teintée de fascisme“ – lui-même étant le théoricien d’un courant nationaliste-révolutionnaire qui se veut un néo-fascisme anti-impérialiste, antisioniste radical, et international » (p. 141).
Sur la réactivation de l’extrême-droite en France voir Jospeh Algazy, La tentation néo-fasciste en France de 1944 a 1965, Paris,Fayard, 1984; James Shields, The Extreme Right in France. From Pétain to Le Pen, London-New York, Routledge, 2007. Pour une perspective transnationale voir Nicolas Lebourg, Les Nazis ont-ils survécus ? Enquête sur les internationales fascistes et les croisés de la race blanche, Paris, Seuil, 2019.
Mais les relations sont destinées à évoluer dans le temps (là encore, ce sont les discontinuités qui frappent le lecteur plus que les continuités attendues). Un tournant important s’observe à partir des années 1960, entre la perte de l’Algérie (1962) et mai 1968. C’est essentiellement avec le mouvement Occident puis avec Ordre nouveau, deux formations d’extrême droite, que les liens sont maintenus, comme en témoigne la présence de NTS à la première réunion d’Ordre nouveau en 1970. Les auteurs reconnaissent néanmoins que, dans ce réseau transnational, le « NTS n’est […] qu’à la périphérie de l’attention de l’essentiel des extrêmes droites » (p. 145). En bref, la distance entre la droite russe et l’extrême droite française dans les années 1970 est encore assez importante.
Le personnage clef dans le rapprochement entre les extrêmes droites française et russe est Alexandre Douguine, « la figure mondialement connue pour avoir forgé une théorie “néo-eurasiste” » (p. 157). « Pour les néo-eurasistes, tout universalisme n’est que le signe de l’hégémonie occidentale, les civilisations ne peuvent ni évoluer, ni débattre, ni s’hybrider. L’utopie impériale eurasienne reprend l’idée de “troisième voie“, si chère aux courants d’extrême droite des années 1920-1990, pour affirmer leur refus du capitalisme et du communisme, pour assurer qu’entre le monde unifié et le particularisme ethnique il existe une solution. L’Orient “barbare“, “jeune“, vient offrir une régénération à un monde connaissant l’effondrement de la civilisation occidentale globaliste » (p 158). Les relations entre Douguine et l’extrême droite française, et l’extrême droite occidentale en général, remontent aux années 1990. Elles sont faites de voyages, de délégations françaises accueillies par Douguine et vice-versa, de références croisées dans les revues produites par ce monde, et de traductions de la pensée de Douguine en français.
Bien sûr, une limite s’impose à l’acceptation de la théorie eurasiatique par une partie de l’extrême droite : les « Slaves » étaient en effet considérés comme « inférieurs » ; pour que les connexions soient (ré)activées, il faut donc que quelque chose « change ». Prenons l’exemple du Nouvel Ordre Européen, fondé par René Binet et Gaston Armand Amaudruz en 1951, « un mouvement certes encore néo-nazi mais pionnier de la proposition de renvoi des immigrés dans des espaces décolonisés afin d’éviter tout métissage » (p. 183). Ce groupe s’ouvre progressivement au monde russe, et donc à sa culture, surtout à partir de la fin des années 1960 : signe, précisément, d’un changement culturel-idéologique. C’est désormais la Chine qui constitue la menace et l’Union soviétique devient, à leurs yeux, une sorte de garde-fou contre la puissance chinoise (p. 183). La même remise en cause des préjugés antirusses touche aussi progressivement la Nouvelle Droite.
Le dernier chapitre, quant à lui, est entièrement consacré à l’actualité. S’il clôt le livre, il constitue aussi le véritable moteur de celui-ci : les auteurs sont partis de la proximité actuelle entre représentants de l’extrême droite française et personnalités russes pour s’interroger sur la profondeur historique de cette histoire, démontrant, s’il en était encore besoin, que la recherche historique est souvent une démarche qui part du présent, malgré les limites épistémologiques de toute analogie historique et de la tendance plus générale à comparer le présent au passé. Ce chapitre donne néanmoins à comprendre que les liens entre Paris et Moscou sont encore aujourd’hui variables, oscillants (ce qui rend d’ailleurs difficile toute prévision pour l’avenir). Avant le début de la guerre russo-ukrainienne, par exemple, le Front national, devenant par la suite Rassemblement national, sympathisait avec les Ukrainiens, en vertu de revendications nationalistes. Un tournant décisif s’opère seulement en 2014, avec l’invasion de la Crimée : « L’invasion de la Crimée en 2014, année d’élections municipales et européennes en France, a balayé les liens franco-ukrainiens. Marion Maréchal, député FN, fustige “les milices néo-nazies“ qui seraient à l’œuvre place Maïdan, tandis qu’Aymeric Chauprade, conseiller en relations internationales de la présidente du FN publie un communiqué pro-russe (depuis retiré d’Internet) […] Le mois suivant, l’association de financement du FN Cotelec, présidée par Jean-Marie Le Pen, reçoit un prêt de 2 millions d’euros d’une société chypriote alimentée par des fonds russes » (p. 212-213). Mais bien d’autres éléments soulignent la division de l’extrême droite française quant à la question russe : le bataillon Azov, par exemple. Ce dernier, qui est une unité de la garde nationale ukrainienne, a un effet magnétique sur certains représentants français de l’extrême-droite (p. 229). Par exemple, le très petit groupe d’inspiration néo-nazie WaffenKraft (puissance de feu) crée en 2017 est particulièrement fasciné par lui : « selon eux, l’Ukraine est un lieu de combat “défensif” mais aussi et surtout une “terre d’origine” dans laquelle il serait possible de vivre en autonomie durant l’effondrement provoqué par l’imminente explosion générale de la guerre raciale » (p. 230). Plus largement, on constate que les combattants d’extrême droite qui se rendent en Ukraine ne sont pas si peu nombreux : « si entre 2014 et 2019, des extrémistes de droite de 55 nationalités se sont portés volontaires dans le cadre du conflit russo-ukrainien, leur camp a radicalement évolué. Selon le renseignement français, en 2022, la cinquantaine de radicaux français présents était massivement désormais dans le camp ukrainien […] Cette présence a permis à Moscou de dénoncer un pseudo-soutien de la France au « régime nazi ukrainien » en janvier 2024 » (p. 230). Les auteurs finissent donc par se demander : « Ces positions peuvent-elles être l’avant-garde d’une évolution plus générale des extrêmes droites françaises, ou de leur vaisseau amiral, le RN » vers l’Ukraine ? En l’état actuel, la réponse semblerait être négative : « Jordan Bardella, président du RN, fait certes montre, apparemment, d’une moins grande poutinophilie que Marine Le Pen. Mais quand il s’agit de diriger sa liste aux élections européennes de 2024, s’y trouvent en neuvième position Thierry Mariani, et en seizième Virginie Joron, antivax qui fut l’une des “observatrices“ en Crimée du “référendum“ de 2020, aux frais du pouvoir russe. Aux élections législatives suivantes, au moins 15 des candidats RN avaient entretenu des liens directs avec la Russie […]. Le ministère des Affaires étrangères russe a également apporté un encombrant soutien au parti par un message public lors de l’entre-deux-tours » (p. 232). Ce qui amène les auteurs à conclure : « Avec leurs nuances, les extrêmes droites françaises sont bien dans le champ magnétique du Kremlin » (p. 232).
Il vaut la peine de citer ce qu’affirment les auteurs, compte tenu de la sensibilité de la question et du fait que, même sur ce point, la situation est en réalité très changeante : « Le FN a donc d’abord une attitude de sympathie envers les nationalistes ukrainiens, mais reposant sur l’antisoviétisme et non sur la question territoriale. Dès lors, cela n’implique pas encore une cohérence géopolitique […] En 2001, les jeunes du très radical parti ukrainien Svoboda (« Liberté ») viennent à l’université d’été de leurs homologues du FN, qui les visitent en retour en 2004. En 2009, les deux partis signent un accord de coopération et contribuent à l’Alliance européenne des mouvements nationaux (AEMN) – reconnue comme parti politique européen en 2012 […] Dès que Marine Le Pen prend la présidence en 2011 la situation se tend… » (p. 211).
Leurs représentants ont été arrêtés par les forces de l’ordre françaises pour prévenir les attentats terroristes qu’ils préparaient ; leur affaire est la première concernant l’ultra-droite à avoir donné lieu à des condamnations.
Cette dernière affirmation est en réalité mieux argumentée dans les conclusions, où les auteurs reviennent sur un thème toujours aussi débattu dans les sciences humaines, la fragilité de la démocratie. Selon eux, aujourd’hui « l’orientation à l’Est touche l’ensemble des structures du champ extrême-droitier français et l’ensemble de ses courants, des islamophobes aux antisémites » (p. 233). On peut s’accorder sur ce constat, même si la lecture de l’ouvrage conduit à penser que, si l’extrême droite est en constante évolution, la notion d’ « Est » ne l’est pas moins. La pérennité des relations franco-russes d’extrême droite sur laquelle concluent les deux auteurs (« un écosystème franco-russe d’échanges qui a le mérite d’être pérenne », p. 233), laisse le lecteur perplexe. Au contraire, le livre montre bien la nature fluide de l’extrême droite et l’importance des acteurs politiques individuels – ceux qu’Olivier Dard définit avec une formule efficace comme des « passeurs » et des « vulgarisateurs »– dans le basculement de la pensée de l’extrême droite vers des camps différents.
Olivier Dard (sous la direction de), Doctrinaires, vulgarisateurs et passeurs des droites radicales au XXe siècle (Europe-Amériques), Bruxelles, Peter Lang, 2012.
En conclusion, ce livre, parmi d’autres, rappelle comment les questions aujourd’hui au cœur de l’actualité peuvent nous permettre de regarder le passé avec une posture différente. L’histoire de l’extrême droite franco-russe restait en fait à écrire et ce volume montre que la proximité entre le Front national / Rassemblement national et la Russie n’est en aucun cas accidentelle. Ce livre a aussi les vertus d’une approche transnationale, surtout lorsque celle-ci met l’accent sur la mobilité matérielle, la circulation des idées, des personnes et des objets. D’autre part, les recherches de Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt révèlent également le travail qui reste à faire : les archives françaises et russes ont encore beaucoup à nous apprendre. Enfin, le livre, montre l’extrême volatilité de certaines idées et donc toute la difficulté pour un historien de suivre des connexions entre deux mondes qui, apparemment solides, cessent progressivement (ou parfois même brusquement) d’exister. Autrement dit, l’identification de liens transnationaux à des époques antérieures à la nôtre ne suffit pas à démontrer l’existence d’un véritable « champ magnétique », pour reprendre la catégorie utilisée par les auteurs eux-mêmes. Ce lien pourrait remonter à des relations et des rapports beaucoup plus récents. La lecture du livre montre donc plutôt un champ magnétique qui s’active « en phases alternées ». Mais c’est exactement cette image qui permet de mieux comprendre les extrêmes droites actives sur la scène globale aujourd’hui dont les connexions mutuelles sont à la fois faibles et fortes en fonction des contextes et des évolutions des scénarios géopolitiques nationaux et internationaux.
Pour citer cet article
Andrea Martini, « Paris-Moscou. Un siècle d’extrême droite, un livre de Nicolas Lebourg et Olivier Schmitt », RevueAlarmer, mis en ligne le 2 avril 2025, paris-moscou-un-siecle-dextreme-droite-un-livre-de-nicolas-lebourg-et-olivier-schmitt