28.10.22 Hommage à Maurice Olender

C’est avec une très vive émotion qu’ALARMER a appris la disparition de Maurice Olender, le jeudi 27 octobre 2022. Enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales, chercheur helléniste formé à l’« école de Paris » des études sur la Grèce ancienne, auprès de Nicole Loraux et de Jean-Pierre Vernant, Maurice Olender était également connu comme le directeur d’une collection sans pareille, passée de la maison Hachette aux éditions du Seuil sous les titres La Librairie du XXe siècle puis La Librairie du XXIe siècle.

Si ALARMER souhaite aujourd’hui lui rendre hommage, c’est en raison du rôle central que Maurice Olender a joué pour réarmer la société française, à commencer par ses intellectuels, face aux dangers d’une résurgence des idéologies racistes et d’extrême-droite à partir de la fin des années 1970. Embrassant d’un même regard la création du Front National, la diffusion des théories et provocations négationnistes et la tentative d’implantation de la sociobiologie américaine en France, Olender a lancé la revue Le Genre humain en 1981. Ses deux premières livraisons, La science face au racisme puis Penser/classer, rassemblaient entre autres des articles de Léon Poliakov, François Jacob, Albert Jacquard, Colette Guillaumin, Georges Perec, Jean Pouillon, Christian Delacampagne. Trois ans plus tard, la revue s’interrogeait sur La Société face au racisme, avec les contributions de Lydia Flem, Nadine Fresco, Serge Moscovici, J.B. Pontalis, Manès Sperber, entre autres. Plus tard, d’autres livraisons ont porté sur les migrations, la justice et le droit sous le régime de Vichy ou encore la microhistoire de la Shoah.

Maurice Olender fut également en 1993 à l’initiative de la publication dans le quotidien Le Monde d’un manifeste intitulé Appel à la vigilance qui entendait provoquer un sursaut de conscience à l’échelle européenne sur les dangers d’un retour des idéologies antidémocratiques, xénophobes et extrémistes qui semblaient alors renaître de leurs cendres d’après-guerre. Ce texte rassembla les signatures de centaines d’intellectuels, écrivains et artistes d’Europe.

Enfin, Maurice Olender demeurera comme l’auteur de deux livres majeurs dans le champ des études universitaires sur la race et le racisme. Ce fut d’abord Les Langues du paradis en 1989 qui montrait comment l’interrogation érudite sur l’origine des grandes familles de langues avait été, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, le terrain d’une description clivée et hiérarchique des groupes humains, ainsi divisés selon des lignes de race. Ce fut ensuite un livre en perpétuelle évolution, paru d’abord sous le titre La chasse aux évidences. Sur quelques formes de racisme entre mythe et histoire en 2005, puis Race sans histoire en 2009 (Race and erudition en 2009 et Razza e destino en 2014). Ce volume offrait un vaste ensemble d’études et de réflexions sur l’antisémitisme, tel qu’il a pu s’épanouir dans l’exercice intellectuel, dans la recherche érudite et dans les institutions savantes aux XIXe et XXe siècle.

Tout le parcours de Maurice Olender se présente comme une leçon de vie et un modèle d’intelligence au service de la lutte jamais gagnée contre la tentation du racisme et de l’antisémitisme.

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